GROUPE LECTEURS-AUTEURS :
LA PASSION DES MOTS
INTERVIEW AUTEUR
Patrick BREUZE
JM : - Bonjour à tous
⁃ Notre ami Patrick BREUZE a gentiment accepté de répondre, récemment, à mes questions.
Je partage donc avec vous cet entretien. Il n'y aura pas de questions/réponses aujourd'hui, du fait de problèmes de connexion rencontrés par Patrick BREUZE actuellement. Croyez-bien qu'il le regrette vivement.
JM : - Bonsoir Patrick
⁃ Comment allez-vous ? Etes-vous prêt à « subir mon petit interrogatoire » ?
Patrick : Un interrogatoire, mais je n’en ai pas l’expérience, est sans doute moins agréable qu’une interview surtout lorsqu’il est question de parler le livres, d’auteur et de littérature.
JM : - Pouvez-vous, tout d'abord, vous présenter afin que nos amis puissent mieux vous connaître ?
Patrick : En fait j’ai eu plusieurs vies. Une première comme journaliste dans des titres de province ou je couvrais tout ce que l’on me disait. Le résultat c’est que l’on apprend à écrire sur tous les sujets et à rentrer dans tous les cercles. une belle expérience qui me sert aujourd’hui comme auteur. Une deuxième vie dans la presse parisienne. Pour moi, cela s’est traduit par beaucoup de voyages, de rencontres, de découvertes et un rythme de travail moins prenant. C’est sans doute pourquoi, je me suis intéressé, alors, à la transmission de ce métier en enseignant à Institut Pratique de Journalisme dont je suis diplômé et à Sciences Com’ à Nantes, toujours sur les techniques d’écriture journalistiques. Et puis passé la quarantaine j’ai voulu autre chose. C’est là que je me suis installé à Samoëns en Haute Savoie. La montagne je la connaissais pour avoir grimper à Fontainebleau comme tous les Parisiens, à Chamonix, et organisé plusieurs treks au Népal. Mais y vivre ce fut une autre expérience. L’une des plus belle de ma vie.
JM : - Pouvez-vous nous parler de vos romans (la liste est longue, je sais !) ?
Patrick : Je ne vais pas les détailler un à un. Disons qu’ils ont tous en commun d’avoir pour décor la montagne et souvent pour héros des gens d’ici. Ceux de la génération qui est en train de disparaître. Ils avaient un regard à la fois prudent et étonné sur les choses et les hommes. Ils avaient connu la misère ou les difficultés de vivre avant l’or blanc et brusquement leur vie a changé. Ils se méfiaient de cette rapidité et de cette perte de valeurs. Ce sont ces femmes et ces hommes-là qui m’ont intéressé quand je me suis installé ici en Haute Savoie. Confusément, je ressentais qu’ils détenaient un savoir qui allait disparaître: les attitudes, le courage, l’esprit travailleur, l’esprit de conquête et un si beau vocabulaire, imagé, juste, fort qui disait en quelque mots l’essentiel. Et de fait, les uns après les autres, ils disparaissent. Il m’aura manqué de temps pour en rencontrer davantage. C’est ainsi. Ils sont désormais dans mes romans.
JM : - Vous serait-il possible de résumer, en quelques phrases, votre dernier roman ?
Patrick : En voici le pitch: Martin Grismons fut un cadre brillant. Cela c’était avant. Avant qu’il décide de laisser sa vie derrière lui.
Il arrive un jour dans un village de Haute Savoie, son sac sur le dos. Rien d’autre. Il est là pour quelques jours. Après il repartira. Dans ce village où il a loué un bas de ferme, on le met en garde contre la « femme aux chèvres ». Une femme d’une rare beauté qui a été suspectée d’être à l’origine de la mort d’un historien anglais venu ici écrire un ouvrage sur les premiers alpinistes britanniques.
Elle est sauvage, rebelle, fuyante. Elle cache un mystère, une plaie, une souffrance. Peu à peu, naît une relation d’amitié entre Fanny et Martin. Puis l’amour s’invite. Martin Grismons ne parle plus de partir. Il impose néanmoins à Fanny d’aller avec elle sur le glacier où a disparu l’historien anglais. Pourquoi ? Que cherche-t-il à voir et à comprendre là-haut, dans un endroit aussi dangereux ?
Un monde qui pourrait paraître sombre. Il ne l’est pas car les fils de la vie vont se renouer. Même une vieille femme qui héberge Fanny va retrouver le bonheur en apprenant qu’elle a un fils installé à deux pas de chez elle. Un enfant qu’on lui a volé. Mais une vie qui va renaître.
JM : - Avez-vous d'autres projets d'écriture et pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
Patrick : Oui cela m’est indispensable. Je suis sur le livret d’un opéra, je fais avancer un livre de nouvelles et j’écris un prochain roman pour Calmann-Lévy. Un roman d’aujourd’hui mais avec des personnages d’hier et au milieu une jeune femme, presqu’une jeune fille qui tente de comprendre comment marche le monde. Un personnage me plaît particulièrement. Son nom la Banquise parce qu’il est grand et gros et pour, parce qu’il a été matelot sur les Terre Neuva et n’hésite pas à sortir son couteau tout en se prenant pour Rimbaud. Parce que l’homme passe des journée entière au comptoir d’un petit bistrot à essayer de faire de vrais poèmes. jusqu’au jour où le bistrot est vendu dans des conditions particulièrement troubles. Bien sûr les vieux vont serrer les rangs et s’épauler pour sauver ce bistrot dans lequel ils passent le plus clair de leur temps.
JM : - Où trouvez-vous l'inspiration pour créer les protagonistes de vos écrits ? Improvisez-vous ou connaissez-vous la fin avant de commencer l'écriture ?
Patrick : Pour les différents personnages de mes romans, je les décris tels que je les ai vus. Mon plus grand bonheur et de m’installer à la terrasse d’un café et d’observer, de prendre des notes, m’imaginer de morceaux de vie ou des histoires inachevées. Pour les décors c’est pareil, je me déplace 10, 100 ou 200 fois sur le lieux du roman pour être au plus juste. Parfois un seul mot peut tout changer. Je dirai que je travaille à la manière des peintres qui peignaient sur le motif. Moi j’écris sur le motif.
Je commence avec un pitch et un plan tracé à grandes lignes mais les choses changent à mesure que j’avance. J’ai cette chance que mon éditeur me laisse faire. L’important est que ne se produisent pas de ruptures dans le déroulé de l’histoire.
JM : Sauf erreur de ma part, un grand nombre de vos romans se déroulent dans votre belle région qui est aussi la mienne ! Pourquoi ce choix ?
Patrick : Parce que j’écris sur le motif. Je pourrais sans problème écrire sur n’importe quelle autre région de France ou du monde mais j’ai besoin de m’en imprégner, d’y retourner souvent. Habitant en Haute Savoie, j’écris donc sur la montagne. J’en profite pour dire que je ne comprends toujours pas le mépris qu’ont certains pour ce qu’ils qualifient de littérature du terroir ou régionale. Et alors? Il y a toujours un ancrage dans une oeuvre, allez demander à Giono, Pagnol, Maupassant ou Clavel ce qu’ils en penseraient aujourd’hui. Cette habitude de vouloir tout mettre dans des tiroirs ne correspond à rien si ce n’est à une ignorance de l’histoire de la littérature.
JM : Comment procédez-vous pour écrire (carnets, cahiers, fiches, écriture directe sur l'ordinateur) ?
Patrick : Je muris longuement mon sujet, en marchant, en conduisant, en rêvassant…C’est long parfois, laborieux, mais on ne réussit pas un bon vin en quelques jours. Puis je prends des notes, je me documente. Si je suis sur une période historique, je lis des auteurs de l’époque ou des contemporains qui parlent de cette époque. Le détail est déterminant pour moi c’est lui qui fera qu’un roman sonne juste ou non. Ensuite j’écris au clavier. Et j’aime le lendemain retrouver une page propre ce qui n’est pas possible avec une écriture manuscrite. Ensuite vient le travail de menuisier qui rabote sa planche. Le temps des corrections est long, lent, indispensable . C’est un travail au corps à corps avec les mots, pour traquer les répétitions, le tics d’écriture et surtout les images qu’il faut inventer. A mes yeux seul un auteur capables de faire naître de l’émotion grâce à ses images est digne d’éloges. Je n’aime pas prendre des exemples mais en l’espèce, Philippe Claudel est un maître à mes yeux.
JM : - À quel moment de la journée écrivez-vous ? Le jour ? La nuit ? Et pendant combien de temps ?
Patrick : J’écris le matin. Jeune quand je réécrivais des manuscrits scientifiques c’était après une journée de travail. Avec l’âge, cela n’est plus possible. je travaille donc le matin: 3 ou 4 heures. Ensuite je passe à la relecture et aux premières corrections. Mais comme je suis encore journaliste pour des revues médicales ou scientifiques, il me faut jongler avec les contraintes de temps des uns et des autres. Question d’habitude, de rigueur et d’envie.
JM : - Vous avez noué un lien très fort avec vos lecteurs et lectrices. Pouvez-vous nous en parler ?
Patrick : C’est mon plus beau cadeau. Savoir que j’ai des lecteurs, des lectrices surtout, partout en France, beaucoup en Belgique, quelques uns au Canada, d’être en contact avec eux, leur répondre via FB ou mon site par patrickbreuze.com est pour moi d’un immense réconfort. Pareil avec les séances de dédicace, retrouver des lectrices d’une année sur l’autre, s’entretenir de choses et d’autre, parler du dernier roman lu et de celui qu’elles vont choisir, le leur décrire aussi, leur donner envie est un élément essentiel de la relation avec le lecteur. Les temps derniers ont été difficiles pour nous tous auteurs. nous avons été privés de cette relation privilégiée, indispensable, je dirai même vitale.
JM : -J'ai vu dans la presse locale que vous avez pu, malgré la crise sanitaire, organiser des « petites rencontres » dans des librairies en Haute-Savoie ce qui est formidable. Avez-vous des séances de dédicaces prévues prochainement et où ?
Patrick : J’ai la chance d’habiter dans un village où nous avons beaucoup de touristes en hiver comme en été. la population est multipliée par dix. Malgré la crise, certains sont venus, pour le plaisir et je me plais à penser pour soutenir aussi l’économie locale. Certains traversent toute la France avec leur ouvrage acheté chez eux pour que je le leur dédicace. La moindre des choses est de leur répondre présent. Donc je m’organise pour les satisfaire autant que faire se peut. Pour connaître mes dates de dédicaces qui se décident parfois quelques jours avant, il faut se reporter à ma page Facebook, c’est ce qu’il y a de plus fiable en dehors de la presse locale bien évidemment.
JM : - Comment avez-vous procédé pour faire publier vos ouvrages ?
Patrick :Je n’étais pas venu ici en Haute Savoie pour écrire mais pour vivre à la montagne, au côté de montagnards. Un jour en sortant de la bibliothèque où j’avais créé un atelier d’écriture bénévole et donc gratuit pour les participants, j’ai vu qu’il y avait un concours de nouvelles à Bonneville. Je l’ai fait, j’ai gagné le premier prix. Je me suis alors enflammé en adressant un manuscrit de nouvelles aux éditeurs parisiens. Beaucoup n’ont pas répondu, d’autres des banalités, d’autres m’ont conseillé d’arrêter. Donc j’ai continué, n’oubliez pas que je suis Breton. Et là un représentant en vacances à Samoëns a acheté cet ouvrage « La Vallée des Loups » que j’avais édité moi-même en auto-édition. Et l’histoire a commencé ainsi avec Jeannine Balland alors directrice littéraire aux Presses de la Cité.
JM : Etes-vous sensible à la critique littéraire et pensez-vous que les blogs, les réseaux sociaux aident les écrivains à promouvoir leurs écrits ?
Patrick : Les critiques parisiens je ne les connais pas. Les blogs sont très utiles pour leur rapidité de réaction, leur capacité de diffusion et leurs analyses souvent de très bonne qualité. Il n’est pas exclu de penser qu’ils prennent un jour la place des espaces jadis réservés aux livres dans la presse et aujourd’hui réduits comme peau de chagrin. Il est certain qu’une bonne analyse bien étayée et argumentée de la part d’un blogger ou d’une bloggeuse peut avoir un taux de pénétration plus important que la presse elle-même par le seul fait que ce sont des passionnés de livres qui rejoignent ces groupes ou lisent ces blogs.
JM : - Quel est votre plus beau souvenir d'auteur ?
Patrick :D’avoir échangé pendant quelques temps avec un homme malade qui correspondait avec moi depuis son lit d’hôpital. Ils relisaient mes livres pour se souvenir de ce qu’il ne ferait plus. Et puis un jour le silence, la dernière page, pour lui, elle s’était tournée.
JM : - Que pensez-vous de l'édition numérique ? -avantages, inconvénients -
Patrick : Elle prend sa place petit à petit à ma grande surprise. Pour ma part elle ne représente qu’une petite partie de mes ventes mais qui progresse d’année en année. Et contrairement à ce que je pensais les jeunes ne sont pas seuls à recourir aux liseuses, nombre de personnes à la vue difficile ou déficiente y trouve un intérêt car le corps de lettre peut-être agrandi pour plus de confort. maintenant à mes yeux, un livre est à la fois un contenant et un contenu. l’un ne vas pas sans l’autre. Avant de commencer à lire, il y a le plaisir de tenir son livre de le caresser, de commencer à dialoguer avec lui. Toutes choses que le numérique ne permet pas.
JM : - Quels sont les auteurs qui vous ont donné l'envie d'écrire ?
Patrick : Un nom, un seul: Bernard Clavel. L’un de nos plus grands auteurs populaires, en train de tomber dans l’oublie pour de sombres raisons ses romans non réédités. Quel dommage…
JM : - Quels conseils donneriez-vous aux lecteurs qui veulent devenir écrivains ?
Patrick : Lire, lire et encore lire. Et attendre que le déclic se fasse, un jour ou peut-être une nuit l’envie sera trop forte, on se met alors à écrire. La drogue est alors entrée dans nos veines.
JM : Lisez-vous ? quel genre ?
Patrick :De tout mais jamais de romans ni de nouvelles durant mes périodes d’écriture, je ne veux pas être influencé. Et un ou deux poèmes tous les soirs, cela évitent les somnifères.
JM : - Quel livre aimeriez-vous offrir à un de vos amis ou à un proche ?
Patrick : Le mien « Versant Secret », (rire.) Ou l’Enfance d’un chef » le livre du film Himalaya.
JM : - Quels sont vos endroits préférés, source d'inspiration ( pièce de votre maison, ville, région de France, pays) ?
Patrick : Un journaliste a appris à écrire partout. J’ai gardé cette capacité. Sinon c’est mon bureau face à la forêt.
JM : En dehors de l'écriture quelles sont vos passions ?
Patrick : Collection d’objets populaires anciens, travail du bois (j’en suis à mon deuxième chalet), la gastronomie mais seulement pour le plaisir du palais car je ne sais pas du tout cuisiner, aller en forêt, en montagne de préférence seul et en dehors des grandes transhumances.
JM : - À quelle époque auriez-vous aimé vivre ?
Patrick : Je ne sais pas. Je prends les choses comme elles me sont données.
JM : - Quelle est votre proverbe préféré ?
Patrick ; Quand on est heureux, on ne trompe pas.
JM : Quel mot vous définit le mieux ?
Patrick : La volonté disait mon père, la fragilité disait ma mère. Moi j’écoute, j’ai mes mystères que je ne partage pas et qui pourtant sont entre les pages de mes romans.
JM : - Si vous deviez partir sur une île déserte, quel objet incontournable à vos yeux, emporteriez-vous ?
Patrick : Un Opinel
JM : - Vous organisez un dîner littéraire : quelles personnes aimeriez-vous convier à votre table ?
Patrick : Peu importe qui. Le principal c’est qu’ils aient des règles de vie, la première étant d’écouter les autres sans chercher sans cesse à briller et à s’imposer.
JM : - Etes-vous thé ou café ?
Patrick : Café… puis thé
JM : - Avez-vous des animaux de compagnie ?
Patrick : Bien sûr. Je ne peux pas vivre sans eux. J’ai même écrit un court roman « Bout d’chien » en hommage à ma chienne labrador Vénus que je venais de perdre. Actuellement j’ai une autre chien labrador. Mais pas question de les comparer. Elles sont l’une comme l’autre merveilleuses.
JM : - Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Patrick : Non
JM : - Merci Patrick pour ce très agréable moment passé en votre compagnie.