GROUPE LECTEURS – AUTEURS :
LA PASSION DES MOTS
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INTERVIEW AUTEUR
Jean-François PRE
JM : - Bonjour à tous,
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Notre ami Jean-François PRE a accepté, récemment, de répondre à mes questions.
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Je partage donc l'entretien que nous avons réalisé à l'issue duquel vous pourrez, si vous le souhaitez, poser vos questions à Jean-François qui y répondra selon ses disponibilités.
JM : - Bonsoir Jean-François
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Comment vas-tu ? Es-tu prêt à « subir mon interrogatoire » ?
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Je dois dire que, pour ma part, je suis très intimidée et honorée que tu fasses partie de mon groupe et que tu aies accepté de répondre à mes questions car, étant de la même génération que toi, je me souviens très bien d'une partie de ta vie professionnelle, dont tu vas nous parler je l'espère dans cette interview....
Jean-François : Pas de quoi être intimidée, chère Joëlle. L’auteur et son lecteur sont sur un pied d’égalité. L’un ne peut exister sans l’autre. Il y a un actif et un passif, chacun pouvant être les deux à la fois… mais pas en même temps. Ainsi va le monde, en harmonie. Car si nous ne sommes que passifs, c’est la mort, et si nous ne sommes qu’actifs, c’est aussi la mort.
Ma vie professionnelle, qui a précédé l’écriture, je l’ai voulue et je ne la renie pas. Je me suis construit matériellement à travers une passion de jeunesse. Cette passion perdure, je mourrai avec elle, mais elle ne me nourrit plus que spirituellement. Le cheval a toujours été mon ange gardien et je le regarde comme tel.
JM : - Peux-tu, tout d'abord, te présenter afin que nos amis puissent mieux te connaître ?
Jean-François : De formation, je suis linguiste (langue et littérature anglaise et américaine). Passionné d’équitation de course et n’ayant pas la taille-jockey, j’ai vécu professionnellement ma passion à travers le journalisme. J’ai commencé dans la presse écrite (33 ans au Parisien) puis j’ai enchaîné simultanément à TF1 (28 ans) dont je suis devenu le « Monsieur cheval », prenant ainsi la succession d’André Théron et de Léon Zitrone. En 1994, j’ai créé « La minute hippique », la première émission introduisant le cheval à une heure de très grande écoute. C’était aussi le premier des programmes courts sponsorisés qui fleurissent aujourd’hui sur toutes les antennes.
JM : - Comment es-tu passé de « journaliste hippique » à « auteur de polars-thrillers » ?
Jean-François : C’est très simple. Un journaliste, en principe, ça aime écrire. Etant un gros lecteur depuis mon plus jeune âge, il était normal que la plume finisse par me démanger. En fait, j’ai toujours préféré la fiction à la réalité… même si les deux se rejoignent souvent. J’adore inventer des histoires. J’ai franchi le pas en 1997 quand j’ai publié mon premier roman chez Fleuve Noir : « Le cheval du président ».
JM : - Que représente pour toi l'écriture ?
Jean-François : C’est une autre passion. J’écris depuis toujours, n’importe comment… mais j’écris. Aujourd’hui, je me suis discipliné… mais je suis toujours aussi excité à l’idée de coucher des mots sur une page. Je ne suis pas poète – du moins, dans l’écriture – mais j’adore la musique des mots, leur couleur, les belles phrases fluides, bien ponctuées et bien rythmées. Bref, la belle langue.
JM : - Peux-tu nous parler de tes romans ?
Jean-François : Les nommer un par un serait long et fastidieux. Disons qu’avec EPISTO, j’en suis à mon 16ème. De nombreux lecteurs me disent que j’ai beaucoup évolué depuis « Le cheval du président ». J’en suis conscient. Je crois avoir atteint ma vitesse de croisière avec les deux derniers romans. La maturité de mon style et son originalité (pas de fausse modestie… on n’est jamais si bien servi que par soi-même !) me confèrent une identité. Même si d’aucuns me collent une étiquette un peu « rétro », beaucoup (peut-être une génération un peu nostalgique) se reconnaissent à travers moi. Ou à travers Langsamer, ce qui n’est pas pareil. Ce personnage que j’ai créé en 2012 est devenu très populaire au fil du temps. A telle enseigne, que je ne peux plus m’en passer. C’est maintenant lui qui me tient… et non le contraire.
JM : - Sauf erreur de ma part, tous tes ouvrages sont des « Polars » ou « Thrillers » ayant pour cadre le monde du cheval et du jeu. Envisages-tu d'écrire dans un genre différent ?
Jean-François : Non. C’est trop tard pour repartir de zéro (je ne suis pas sûr de le vouloir, d’ailleurs). Donc, que du polar. Mon père était un gros lecteur de polars ; il m’a donné le virus.
Pour être tout à fait franc, j’ai fait une tentative en littérature blanche. J’ai publié une pochade sur le monde de la télé et de la culture, intitulée : I.N.T.E.L.L.O.C.R.A.T.I.E. Un fiasco ! D’abord sorti en version papier par un éditeur fantaisiste, passons…. Ensuite, je l’ai retravaillé et autopublié sous le pseudonyme de Justin Neuro. Vous pouvez le trouver en format numérique sur Amazon à… 0,99 euros ! Pour ce prix, vous ne risquez pas grand-chose, si vous êtes curieux, mais ce n’est pas ce que j’ai fait de mieux !
Revenons aux polars. Oui, toutes mes intrigues tournent autour du cheval mais je n’en ferai jamais un sujet unique. Dans EPISTO, par exemple, il est aussi question de franc-maçonnerie, d’art et d’édition. Mes livres se passent toujours dans des milieux aisés mais j’aime bien varier les sujets. Plusieurs critiques m’ont dit que j’étais le Dick Francis français. C’est un compliment auquel je suis sensible car j’adore Dick Francis et je considère que personne n’a jamais fait mieux en matière de polars en milieu hippique. Mais Dick Francis, aujourd’hui décédé, avait un lectorat gagné à la cause du cheval. En France, c’est beaucoup plus difficile. C’est là que je m’aperçois que ma notoriété peut s’avérer contre-productive car je suis sûr que beaucoup de lecteurs ne me regardent pas comme un véritable romancier, mais toujours un journaliste hippique, voire un pronostiqueur.
JM : - As-tu d'autres projets d'écriture et souhaites-tu nous en parler ?
Jean-François : Oui, je n’ai rien à cacher. Je sors un polar par an, à l’automne généralement. Depuis 2012, ce ne sont plus que des « Langsamer ». Celui de 2021 est déjà écrit ; reste à le relire et à le peaufiner. Je travaille aussi sur un grand roman noir à quatre mains, directement rédigé en Anglais et qui paraîtra en Angleterre ou aux USA, sous un pseudonyme. Pour l’instant, je ne peux pas en dire plus, si ce n’est que ce ne sera pas un Langsamer. Le début d’une nouvelle série, peut-être.
JM : - Comment écris-tu (carnets, cahiers, directement sur l'ordinateur) ?
Jean-François : Directement sur l’ordinateur mais je prends des notes à la main.
JM : -Lorsque la situation sanitaire le permettra, envisages-tu d'assister à des séances de dédicaces, de rencontrer tes lecteurs et lectrices ?
Jean-François : Je n’attends que ça ! Le contact des lecteurs et surtout des lectrices (rires !) me manque… comme il manque à nous tous. Les salons sont des lieux de promotion indispensables, quant aux dédicaces dans les librairies… c’est un retour aux sources. On y rencontre les « vrais » lecteurs et les discussions qui s’ensuivent sont toujours enrichissantes.
JM : - Quel est ton plus beau souvenir d'auteur ?
Jean-François : Une fois, en arrivant à Vincennes, un jeune avec un très fort accent des banlieues m’a interpellé et m’a appelé « le Molière des courses ». J’avoue que je m’attendais à tout sauf ça. Nous autres journalistes, avons plus l’habitude de nous faire insulter que d’être reconnus pour nos qualités littéraires !
JM : - Que penses-tu de l'édition numérique ? - Avantages et inconvénients -
Jean-François : Il faut vivre avec son temps. Très franchement, je ne me sens pas à l’aise dans ce siècle mais, si j’ai la chance de rester en bonne santé, il me reste encore pas mal d’années à vivre. Il faut donc se faire violence et s’adapter, aller de l’avant. Qui n’avance pas recule ! J’ai adopté le numérique comme complément du support papier. Pour moi, rien ne remplacera jamais le bonheur sensoriel de la page tournée. A titre d’exemple, je me régale avec les exemplaires de la collection « La Pléiade » que je me fais offrir à chaque anniversaire. Mais le numérique comporte des avantages pratiques qui vont avec son temps : le stockage en un espace réduit, la facilité de transport, la lecture de nuit ou en plein soleil, le prix des ouvrages, l’immensité de l’offre, la livraison immédiate et le dictionnaire permanent. Donc, ce sont vraiment deux modes de lecture complémentaires.
JM : - A qui confies-tu la première lecture de tes manuscrits (ami, membre de ta famille, bêta-lecteur) et qui réalise les couvertures de tes livres ?
Jean-François : Ma première lectrice, critique et correctrice est ma femme. Elle a l’esprit beaucoup plus logique et rationnel que moi. Et de plus, c’est une psychologue professionnelle. Ses observations me sont précieuses, notamment quand il s’agit de retravailler la psychologie de certains personnages.
Les couvertures sont réalisées par Caroline Lainé, co-directrice des éditions Lajoinie. Sur la « planète polar », elle est unanimement reconnue comme une des graphistes les plus talentueuses.
JM : - Comment as-tu procédé pour faire éditer tes romans ?
Jean-François : Envoi de manuscrit ou relationnel. Mais l’auteur est jugé sur la qualité de son travail, le relationnel ne vient qu’après. Enfin, ça compte quand même. J’ai la chance de très bien m’entendre avec mon éditeur. Nous sommes passés de la confiance à l’amitié et c’est un plus !
JM : - Penses-tu que les réseaux sociaux, les blogs permettent aux auteurs de promouvoir leurs écrits ?
Jean-François : Non seulement je le pense mais… sans eux, point de salut ! Du moins pour l’immense majorité des auteurs, à l’exception de quelques « block busters » dont les éditeurs bénéficient de budget marketing énormes qui leur ouvrent les portes des grands médias et des influenceurs. Le gros de la troupe, dont je fais partie, ne peut se passer des réseaux sociaux. D’ailleurs, ce n’est pas plus mal car leur côté interactif nous permet de dialoguer avec certains de nos lecteurs, ce qui serait impensable dans le système traditionnel où le lecteur n’est qu’un acheteur !
JM : Lis-tu et quel genre ?
Jean-François : Tous ! Classique, contemporain, littérature blanche et noire. Mais que des romans !
JM : - Quels sont les auteurs que tu apprécies (dans le passé et dans le présent) ? Quel est ton dernier coup de cœur littéraire ?
Jean-François : Ils sont nombreux. Céline, Proust, Dostoïevski, Tolstoï, Maupassant et aujourd’hui Houellebecq et Kundera, pour la littérature générale. Dans le polar, mes préférences vont à Agatha Christie et Simenon, pour les classiques, et chez les contemporains à Ken Follet, RJ Ellory et James Ellroy. En France, j’aime beaucoup le travail de Thierry Berlanda et de Franck Leduc. Mes derniers coups de cœur : Lacrima Corsica de Stéphane Oks et « La Mémoire du temps » de Franck Leduc.
JM : - Quand écris-tu : le jour, la nuit ? Pendant combien d'heures ?
Jean-François : Le matin, à partir de 10 heures. Je n’écris jamais le soir et encore moins la nuit. Chez moi, quatre heures d’écriture représentent le bout du monde. Dès que l’on sent la saturation, il faut savoir s’arrêter, faute de quoi le travail est contre-productif. En revanche, une « gymnastique » quotidienne est nécessaire. Même si l’on n’a pas le temps d’écrire plus d’une page, voire quelques lignes, il faut le faire, pour ne pas perdre le fil.
JM : - Tu es assurément passionné de chevaux mais toutefois, en dehors de l'écriture, as-tu d'autres passions ?
Jean-François : Je joue beaucoup au golf.
JM : - Y a-t-il dans tes livres, des personnages qui te touchent et auxquels tu t'identifies ?
Jean-François : Forcément un peu. Notamment au niveau des goûts et de l’art de vivre car mes personnages évoluent dans un monde qui me correspond. Mais en ce qui concerne mon caractère, mes valeurs ou mes opinions, jamais !
JM : - Quels conseils donnerais-tu aux lecteurs qui souhaitent devenir écrivains ?
Jean-François : Etre humble et avoir un regard critique sur soi-même. C’est très difficile d’être objectif vis-à-vis de soi-même… mais ça s’apprend. Pour savoir écrire, il faut lire beaucoup. Il en a toujours été ainsi, dans l’art, la musique ou la littérature : le talent se transmet. Ensuite, c’est à soi de trouver les codes.
JM : - Quel est ton endroit favori, source d'inspiration (pièce de ta maison, région, pays)
Jean-François : Les beaux endroits où règnent le bon goût et un certain art de vivre. Dans les salons, pour présenter mes bouquins, je dis toujours que chez moi, le sang coule sur des cols blancs, avec élégance. Mes personnages sont propres sur eux et sales à l’intérieur. J’enduis toujours le crime de plusieurs couches de vernis. J’écris pour me faire plaisir, pas pour faire du reportage. Jamais je n’écrirai sur des lieux, des personnes ou des sociétés qui ne m’attirent pas. Ma région de prédilection, c’est la Normandie. Elle me le rend bien puisque je viens de recevoir le Prix du Polar Normand pour « Les neuf jours du cafard ». Les pays où j’aime planter mon décor : l’Angleterre ou quelques états d’Amérique Latine.
JM : - Quelle est ton émission TV préférée ? Le film culte que tu as regardé plusieurs fois ?
Jean-François : Je ne regarde que les films à la télé ou quelques séries étrangères (anglaises ou nordiques, de préférence). Mon film culte, celui que je pourrais regarder tous les jours : Barry Lyndon, de Stanley Kubrick.
JM : - Si tu étais : une couleur, un animal, une fleur, un dessert : tu serais ?
Jean-François : Le vert, le cheval, une orchidée et un très bon sorbet ou une tarte car je suis une bonne pâte….
JM : - Si tu écrivais tes mémoires quel en serait le titre ?
Jean-François : Je ne pense pas que mes mémoires seraient d’un quelconque intérêt. Pas pour moi, en tout cas ! C’est la fiction qui me passionne, inventer des histoires et des personnages. Je ne dis pas que je ne m’inspire pas du réel mais le moins possible.
JM : - Si tu devais partir sur une île déserte, quel objet indispensable à tes yeux emporterais-tu ?
Jean-François : Dans ce cas précis, j’aurais recours au numérique car je transporterais des milliers de livres avec moi. J’ai un caractère solitaire et j’ai la chance de ne jamais m’ennuyer. Un bon livre suffit à faire mon bonheur. Allez, il n’y a pas que les nourritures spirituelles…. J’ajouterais donc quelques très bons vins et alcools avec une provision de cigares.
JM : - As-tu quelque chose à ajouter ?
Jean-François : Je crois que tu m’as fait passer aux aveux, Joëlle. Mais j’ai bien supporté la torture. Merci à toi.
JM : - Merci Jean-François pour ce très agréable moment passé en ta compagnie.
Les amis, vous pouvez, si vous le souhaitez, poser d'autres questions à Jean-François qui se fera un plaisir de vous répondre sous ce post.
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