GROUPE LECTEURS – AUTEURS :
LA PASSION DES MOTS
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INTERVIEW AUTEUR
Olivier KOURILSKY
JM : - Bonjour à tous,
Je partage donc avec vous l'entretien que nous avons réalisé, à l'issue duquel, vous pourrez, si vous le souhaitez, poser des questions à Olivier qui y répondra en direct ou plus tard selon ses disponibilités.
JM : - Bonsoir Olivier
Olivier : Bien ! Je ferai au mieux !
JM : - Question habituelle mais incontournable : peux-tu, tout d'abord, te présenter afin que nos amis puissent mieux te connaître ?
Olivier : Je suis médecin, spécialiste en néphrologie (les maladies rénales, la dialyse, la greffe de rein) ex-chef d'un service de néphrologie dans la banlieue parisienne, service que j'ai eu la chance de pouvoir développer ex nihilo - une aventure fantastique.
Je me suis mis à l'écriture sur le tard, alors que j'étais encore en activité à plus que temps plein. J'avais sans doute cela en tête depuis un moment... Le premier est paru en 2005. Il a bien marché, j'ai continué... et j'en suis au 11ème!
JM : - L'écriture est-ce une passion ou un métier pour toi ?
Olivier : C'est devenu une passion, une sorte de deuxième métier (mais si c'était mon métier principal, je serais SDF!). Néanmoins, la médecine reste mon métier et ma passion. Dix ans après ma retraite de l'hôpital public, je continue encore à consulter trois demi-journées par semaine, pour le plaisir.
JM : - Peux-tu nous parler de tes romans ?
Olivier : J'ai donc publié 11 livres depuis 2005, dont 10 romans policiers et un livre de "mémoires".
Les polars se déroulent le plus souvent - mais pas toujours - dans le milieu médical, et font intervenir des personnages récurrents qui, contrairement à San Antonio ou SAS, prennent de l'âge au fur et à mesure ! Certains disparaissent, d'autres prennent leur place... Mais sauf exception, on peut les lire dans le désordre, les histoires étant indépendantes, ou les lire dans l'ordre chronologique, comme les polars de Peter James (auquel je n'oserai pas me comparer!). Il y a des lecteurs qui commencent par le premier (Meurtre à la morgue) et un des derniers (Marche ou greffe ! ou THC sans ordonnance), ce qui peut être un choix intéressant pour apprécier l'évolution de l'écriture. Ceci étant, lorsque j'ai préparé la réédition de Meurtre à la morgue, je m'attendais à trouver le style un peu désuet, et j'ai eu la surprise de prendre du plaisir à le relire !
Ce sont des romans policiers pas très "gore" (ce serait davantage dans l'air du temps mais on ne peut pas forcer sa nature!), davantage axés sur l'enquête, l'environnement humain, le suspens,...
Le 10ème ouvrage est complètement à part, c'est un livre de souvenirs sur un demi-siècle de médecine hospitalière. J'ai eu la chance de connaître une révolution comme on n'en connaîtra jamais plus: la naissance de la dialyse et de la greffe dans les années 60. Avant, c'était la mort pour tous les insuffisants rénaux... Une ambiance extraordinaire de pionniers, des patients qu'on suit pendant plus de trente ans et qui deviennent des amis. J'ai eu envie de témoigner de cette époque, et aussi du drame des avortements clandestins, que ceux nés après 1975 n'ont heureusement pas connu. Par ailleurs, je ne pouvais pas éviter de dresser un triste constat sur l'évolution de la médecine hospitalière, qui s'avère d'actualité en cette période de pandémie virale. Ce livre fourmille d'anecdotes parfois drôles, parfois bouleversantes, et se lit j'espère comme un polar !
JM : - Comment as-tu procédé pour faire publier tes livres ?
Olivier: Un collègue et ami, écrivain de talent, a lu mon premier manuscrit et m'a vivement encouragé à le publier. Une de mes patientes qui travaillait dans l'édition m'a donné un annuaire des éditeurs et j'ai commencé à envoyer mon manuscrit... Cela m'a coûté une petite fortune et la période a été dure pour l'ego ! Les éditeurs reçoivent de très nombreux manuscrits... J’en ai sollicité 33 si je me rappelle bien, sur une période d'un an et demi...
Mais je suis tenace ! Et j'ai fini par trouver une maison d'édition de taille moyenne, plutôt spécialisée dans les livres médicaux. L'éditeur fait un vrai travail éditorial (ce qui n'est pas le cas de tous, je m'en aperçois maintenant que j'ai un peu plus de "métier"!), l'ambiance est amicale (ce qui compte beaucoup pour moi).
De plus, l'éditeur a accepté de rééditer deux de mes ouvrages (y compris le premier qui datait de 2005), et réimprime régulièrement les autres. Ils sont donc tous disponibles, aussi bien en version papier qu'en édition numérique. Je me considère donc comme plutôt privilégié par rapport à d'autres.
Bien entendu, je dois "mettre la main à la pâte" pour la promotion des ouvrages, mais c'est normal.
JM : - As-tu d'autres projets d'écriture et souhaites-tu nous en parler ?
Olivier : Je n'ai pas encore commencé le 12ème. J'ai toujours une "période réfractaire" plus ou moins longue après la sortie d'un ouvrage (THC sans ordonnance est sorti fin janvier). En outre, l'ambiance actuelle n'est pas très porteuse. La moitié de mes ventes se font en salon ou en dédicace dans des librairies...
Mais j'ai préparé le "cadre" sur mon ordinateur et j'attends l'inspiration... polar médical, polar pur et dur, ou autre ?
JM : - Où trouves-tu l'inspiration pour créer les protagonistes de tes livres ? En combien de temps écris-tu un roman ?
Olivier : J'essaie de créer de toutes pièces mes intrigues, sans m'inspirer de faits divers réels par exemple. De même, aucun de mes personnages n'existe en vrai, mais ils peuvent être un mélange de divers traits de caractère ou détails physiques.
Souvent, l'intrigue naît à partir d'une étincelle et tout se construit autour. Deux exemples:
- Pour Meurtre à la morgue, je faisais un stage d'informatique à la faculté des Saints Pères. J'ai demandé au formateur si les salles de dissection, où nous étions censés apprendre l'anatomie en 2ème année de médecine, étaient toujours des décors de films d'horreur. Il m'a répondu : "Oui, d'ailleurs une fois il y a eu un mort de trop". J'ai cru que c'était une blague, mais l'idée m'a travaillé, j'ai contacté le directeur du pavillon d'anatomie et lui ai demandé de visiter les salles en question afin de me documenter pour un livre. Et j'ai commencé à écrire mon histoire, celle d’une étudiante retrouvée morte au milieu des cadavres de la salle de dissection, sans savoir où j'allais.
Neuf mois plus tard, alors que j'avais écrit les deux tiers du livre, je participais à une commission pour la répartition des internes. J’y croise un ami qui était devenu médecin légiste. Je lui demande : " C'est quoi cette histoire de meurtre à la Fac de médecine ? Du pipeau?». Il me répond : «Pas du tout. C'est moi qui ai fait l'autopsie!» Et j'ai donc découvert qu'il y avait eu effectivement un meurtre en 1981 aux Saints Pères (dans des conditions différentes de celles de mon polar). Cela montre bien que l'imagination la plus fertile se heurte à la réalité des faits ! Si c'était le seul exemple...
- Pour L'étrange Halloween de Monsieur Léo, j'avais repéré sur internet un incroyable château gothique dans le pays de Galles, en ruines, ancienne maison de campagne d'une comtesse anglaise construite au XIXe siècle ! Je l'ai visité après avoir pris contact avec l'association qui le gère, et je me suis dit que j'allais y placer une scène avec un gangster superstitieux (le château est bien entendu réputé hanté). En poursuivant les recherches sur cette demeure, j'ai appris qu'elle avait de refuge à de nombreux jeunes juifs pendant la deuxième guerre mondiale, en attendant leur alia. Comme un des personnages de mes romans précédents était juif, j'ai imaginé qu'il allait se recueillir sur les lieux où son père avait séjourné… et qu'il allait croiser la route du gangster superstitieux. Et l'intrigue s'est montée toute seule.
Habituellement, je connais le synopsis du roman, mais je me laisse un espace de liberté entre le début et la fin. Les idées viennent souvent en cours de route ! Certains écrivains comme Joël Dicker assurent qu’ils ne savent pas où ils vont en commençant un ouvrage (ce qui est remarquable lorsqu'on voit la construction très précise de ses intrigues). D'autres ont déjà tout prévu, les personnages, leurs caractéristiques, l'intrigue en détail, même les scènes... et n'ont plus qu'à rédiger. Tout est possible...
En général, il me faut un an et demi pour "boucler" un roman (en comptant le travail de correction, cf. plus bas!). Et avant l'écriture, il y a tout un travail passionnant de documentation. C'est aussi l'intérêt : en écrivant, on s'instruit !
JM : - Comment écris-tu (sur cahiers, carnets, direct sur l'ordinateur) ?
Olivier : Direct sur l'ordinateur. Je sais exactement où j'en suis en nombre de pages et je peux corriger au fur et à mesure. Mais j'ai aussi un petit carnet pour noter des idées, des dates, des noms de personnages, des résultats de documentation, etc.
JM : -Lorsque la situation sanitaire le permettra, envisages-tu d'assister à des séances de dédicaces et où ?
Olivier : Je n'attends que cela ! La moitié de mes ventes se font lors de salons ou de dédicaces, et les contacts avec les lecteurs comme les nombreux amis auteurs me manquent. J'étais invité au salon de Bondues et au salon de Limoges (Lire à limoges) qui ont malheureusement été annulés comme beaucoup d'autres ; le salon de Mennecy (29-30 mai) est maintenu, j'espère aller à Loches (le 29 aout), à Nancy au Livre sur la place en septembre, à Villeneuve sur Lot fin septembre (ou à Templemars), à Aumale (le 9 octobre), etc. Je vais aussi relancer les dédicaces en librairie (LPC Chauvelin à Corbeil, FNAC Evry...). Bref, vivement la reprise !
JM : - Quel est ton plus beau souvenir d'auteur lors de rencontres avec tes lecteurs, tes lectrices ?
Olivier : Il y en a beaucoup, mais je crois que les plus beaux ont été les retrouvailles avec d'anciens patients, avec qui j’avais partagé des souvenirs très forts. Beaucoup, beaucoup d'émotion... Si on aime les gens, c'est un métier magnifique. Sinon, il vaut mieux se tourner vers la Banque de France...
JM : - À qui confies-tu tes manuscrits en première lecture (ami, membre de ta famille, bêta-lecteur) ?
Olivier : Il m'arrive de les faire lire en cours de route à une amie proche, mais la première lecture du manuscrit complet est faite par mon éditeur ou ses collaborateurs.
Cette relecture indispensable est très dure pour mon orgueil ! On pense avoir déjà bien poli le texte et on s'aperçoit, lorsque l'éditeur fait son travail (ce qui est le cas du mien), qu'il y a autant de corrections que d'habitude, des répétitions, des lourdeurs, des fautes de style... Et on doit effectuer au moins trois volées de corrections avant le bon à tirer. On sent alors le texte "prendre du corps", se lire plus facilement. Le manuscrit perd quelques pages dans l'affaire !
C'est dur mais cela me convient bien car j'ai toujours prêté une grande attention à la qualité du texte, y compris dans mes publications scientifiques.
Il faut souvent compter trois mois après la remise du manuscrit avant qu'il parte en impression. Et malgré les relectures les plus attentives, on trouve toujours près d'une dizaine de coquilles sur la première impression !
JM : - Es-tu sensible à la critique littéraire et penses-tu que les blogs, les réseaux sociaux aident les écrivains à promouvoir leurs écrits ?
Olivier : Bien sûr ! Qui ne le serait pas ? Sensible dans les deux sens... mais si la critique est constructive, c'est toujours précieux. Et les blogs et les réseaux sociaux jouent un rôle très important, surtout quand on ne joue pas dans la cour des grands...
JM : - Si mes sources sont bonnes, tu as écrit des « Polars » se déroulant essentiellement dans le milieu médical. Il me semble en connaître la raison mais peux-tu nous dire quelques mots sur ce choix ? Envisages-tu d'écrire dans un tout autre registre ?
Olivier : D'une part, j'ai toujours eu du mal à me prendre au sérieux! Et entrer dans la littérature par le polar avait un côté ludique (ce qui ne veut pas dire que c'est à mes yeux de la sous littérature!). Par ailleurs, le diagnostic médical a de nombreux points communs avec une enquête de police ! J'étais en pays de connaissance. Et l'univers médical donne une couleur particulière aux histoires et me permet de parler d'un métier qui a toujours été ma vie (en veillant bien sûr à ne pas inonder le lecteur de détails techniques incompréhensibles !).
JM : Tu es sociétaire de la Société des Gens de Lettres, membre de la Société des auteurs de Normandie et membre de l'Association 813. Que de casquettes ! Souhaites-tu nous en parler ?
Olivier : Rien de très glorieux là dedans ! Pour les deux premières sociétés, il faut simplement avoir publié des ouvrages à compte d'éditeur et/ou être parrainé. La SGDL publie beaucoup d’informations utiles pour les auteurs et les défend. La SADN est une véritable famille, très active dans de nombreux salons. Quant à 813, je crois que c'est historiquement la première association consacrée au polar.
JM : - En dehors de l'écriture quelles sont tes passions ?
Olivier : La musique avant tout. Je joue du piano depuis l'âge de huit ans, mais sans avoir un niveau transcendant car je ne travaille jamais assez ! Avec deux amis du Centre Hospitalier Sud Francilien, nous avions fondé une association, l'Offrande musicale, qui avait pour but d'apporter les bienfaits de la musique aux patients hospitalisés ou aux pensionnaires en institution. Nous avons pu organiser plusieurs "concerts" (c'est un bien grand mot) en maison de retraite ou dans un foyer accueillant des patients atteints de sclérose en plaque. Je précise que j'ai horreur de jouer un public... mais heureusement pour moi, certains pensionnaires étaient un peu malentendants! Un ami avait également organisé des concerts de bienfaisance au profit d'une association pour les maladies rénales génétiques avec une première partie "amateur", une deuxième partie "pro". De très beaux souvenirs malgré le stress !
JM : - Quel est ton plus grand rêve ?
Olivier : Sans doute de voir un de mes polars adapté au cinéma ! On peut toujours rêver...Car quand je vois les scénarios Netflix ou Amazon, je pense que les miens sont trop "gentils". Dommage, cela aurait pu faire une série télé sympa !
JM : - Quels auteurs t'ont donné l'envie d'écrire ?
Olivier : Difficile à dire, il y en a tellement ! Dans le polar, entre autres, Michael Connelly, Peter James, Ruth Rendell, etc.
JM : - Lis-tu ? Quel genre ?
Olivier : Oui, depuis toujours. Surtout des policiers, des essais historiques, des romans... J'ai tendance à moins lire quand je suis en période d'écriture.
JM : - Quel genre de musique écoutes-tu ? Ecris-tu en musique ou dans le calme ?
Olivier : De tout. Bach, musique romantique (Chopin, Brahms, Schubert...), musique du début du XXe (Ravel, Prokofiev, Medtner, Rachmaninoff, ...), mais aussi jazz, blues, rock, boogie,...
Par contre, il m'arrive d'écouter de la musique en écrivant, mais ce n'est pas un besoin. Parfois, je préfère être au calme.
JM : - Quel est ton film ou ta série culte ?
Olivier : Je ne suis pas très série. Les films culte, il y en a tellement pour moi, dans des genres très différents... je ne pourrais tous les citer. Celui que j'ai dû revoir le plus souvent est peut-être Le bal des vampires !
JM : - Tu dois partir sur une île déserte, quel objet indispensable à tes yeux emporteras-tu ?
Olivier : Mon smartphone (rire).
JM : - Es-tu thé ou café ? Vanille ou chocolat ? Mer, campagne ou montagne ?
Olivier : Café.
Chocolat.
Les trois mon général.
JM : - Quelle est ta citation préférée ?
Olivier : On ne voit bien qu'avec le cœur. L'essentiel est invisible pour les yeux.(Le Petit Prince, St Ex).
Citation complémentaire : L'humour est la politesse du désespoir. (Chris Marker)
JM : - Tu organises un dîner littéraire. Quelles personnes vas-tu convier à ta table ?
Olivier : Joker ! Pas d’idée précise.
JM : - Quel mot te définit le mieux ?
Olivier : Humain j'espère, avec ses qualités et ses défauts.
JM : - As-tu quelque chose à ajouter ?
Olivier : Un grand merci pour cette interview passionnante, en espérant que je n'ai pas été trop logorrhéique !
JM : - Merci Olivier pour cet agréable moment passé en ta compagnie.
Les amis, vous pouvez, si vous le souhaitez, poser d'autres questions à Olivier qui se fera un plaisir de vous répondre sous ce post.
Mon blog, où il y beaucoup d’infos : www.olivierkourilsky.fr
Sur facebook : pages Olivier Kourilsky et Docteur K