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INTERVIEW AUTEUR
Philippe EHLY
JM : - Bonsoir à tous
⁃ Je vous ai parlé sur ces pages de Philippe EHLY que je compte parmi mes fidèles amis et dont j'ai lu tous les ouvrages. Philippe a gentiment accepté, récemment, de se soumettre à mes questions.
⁃ Je partage donc avec vous cette interview à l'issue de laquelle vous pourrez, si vous le souhaitez, poser vos questions auxquelles Philippe répondra en direct ou en différé en fonction de ses disponibilités.
JM : - Bonsoir Philippe
⁃ Comment allez-vous ? Etes-vous prêt à « subir mon petit interrogatoire » ?
Philippe : “Subir” me paraît inapproprié, chère Joëlle. Je vois plutôt cette interview comme un plaisant bavardage entre amis. Cela dit, je suis prêt à répondre à des questions aussi pointues ou indiscrètes que vous le souhaiterez.
JM : - Pouvez-vous, tout d'abord, vous présenter afin que nos amis puissent mieux vous connaître ?
Philippe : Difficile de parler de soi, comme vous le savez. Disons que je suis un monsieur assez âgé, dont la vie professionnelle s’est déroulée dans l’univers de la banque, puis du pétrole, ce qui m’a amené à beaucoup voyager. J’ai adoré les voyages car je suis curieux des gens et des choses. J’ai ainsi capitalisé de nombreux souvenirs, souvent peu communs du fait des endroits où j’ai pu me rendre alors qu’ils étaient impossibles d’accès pour les touristes. Cela m’a aussi amené à rencontrer des gens que ma mère n’aurait pas aimé voir dans son salon.
JM : - Pouvez-vous nous parler de vos romans : “Charlotte tomes 1 et 2”, Saga Osipov tomes 1 à 5) qui sont d'un genre totalement différent ?
Philippe : Volontiers. Les deux histoires sont profondément différentes. Charlotte est un pur roman, né d’une rencontre et d’une remarque. La rencontre fut très fugace, parfois je me demande si je ne l’ai pas rêvée : une adolescente d’une beauté stupéfiante, unique, croisée sur le quai devant chez moi et que je n’ai jamais revue. La remarque est celle d’un ami qui après avoir lu un texte que je lui soumettais m’a dit :”C’est superbe, mais c’est chiant : ton personage n’a aucune vie sexuelle, on n’est plus au temps de la princesse de Clèves !”. Il a ajouté une phrase que je ne veux pas reproduire ici qui évoquait une partie du corps qui sert à s’assoir en me disant que mon texte en manquait singulièrement. J’ai donc décidé d’écrire un livre mettant en scène une adolescente très jolie ayant une vie sexuelle aussi active que joyeuse. A ma grande surprise, ce roman qui doit tout à mon imagination, je l’ai pratiquement écrit d’une traite, en très peu de temps, probablement parce que je n’ai eu aucune recherche documentaire à effectuer.
JM: - Et Osipov?
Osipov, c’est une tout autre histoire : c’est un personage historique dont je voulais écrire la biographie. Mais, malgré un travail de recherche de quatre années, je n’ai pu recueillir que peu d’éléments concrets et verifiés : reconstituer la vie d’un homme qui a systématiquement effacé toutes ses traces est très difficile et d’autant plus que les archives officielles à son sujet sont pour la majeure partie inaccessibles. Donc, la bio s’est transformée en roman historique et mon imagination et les faits extérieurs ont suppléé la documentation manquante. Pour écrire Osipov, j’ai dû lire au moins 400 livres sur la Russie, l’Asie centrale et la 1ère guerre mondiale et je me suis rendu dans tous les endroits que j’ai décrits, heureusement dans de meilleures conditions que celles que connurent Osipov et ses compagnons, quoiqu’en Afghanistan, il y ait eu des moments un peu chauds.
JM : - Avez-vous d'autres projets d'écriture et pouvez-vous nous en parler ?
Philippe : Je suis en train de finaliser une trilogie sur le thème de l’archéologie sous-marine et terrestre. L’action se déroule au sultanat d’Oman et s’inspire largement de recherches réelles effectuées dans ce pays. Le troisième tome est un “flash-back” (pardonnez-moi pour cet américanisme) qui ramène le lecteur au temps de la guerre des diadoques et explique historiquement une partie des découvertes archéologiques exposées dans les 2 premiers tomes. Cela dit, c’est d’abord et avant tout un roman d’aventures où le lecteur a rarement le temps de souffler.
JM : - Où trouvez-vous l'inspiration pour créer les protagonistes de vos livres ?
Philippe : Dans le réel et le concret. Je vous ai expliqué comment était “née” Charlotte, mais sa vie que je raconte en detail sur un certain nombre d’années est largement inspirée par le mixage des biographies de trois mannequins célèbres. Je dirais “tout est vrai, mais est arrivé à des personnes différentes, à des moments différents”.
JM : Comment procédez-vous pour écrire vos romans (carnets, cahiers, fiches, écriture directe sur l'ordinateur) ?
Philippe : Je n’ai pas de méthode particulière, seulement un petit carnet qui me sert à noter une idée, une recherche à effectuer ou ma liste de courses chez l’épicier. Je ne fais jamais de plan précis, mais comme mes livres sont fondés sur l’histoire, c’est celle-ci qui sert de trame et fixe le tempo d’écriture. J’utilise un ordinateur dont je dois reconnaître très mal maîtriser le fonctionnement.
JM : - Pour écrire la saga historique OSIPOV qui comporte, si ma mémoire est bonne, 9 tomes, comment avez-vous procédé pour faire vos recherches ?
Philippe : Les 9 tomes d’Osipov sont théoriques, car les impératifs d’édition et d’impression ne correspondent pas toujours à ce que j’ai tapé sur mon ordinateur en format A4 avec des corps de caractères aléatoires et des polices différentes. Les recherches, pour quelqu’un qui s’intéresse à l’histoire, c’est une drogue et il faut veiller à ce qu’elle n’empiète pas trop sur l’écriture. Pour Osipov par exemple, outre les livres trouvés en librairie, j’ai fouillé dans ce qui était disponible dans les universités de Moscou et Tashkent sur mon sujet, interrogé des historiens ouzbeks, passé des heures sur de vieilles cartes, profité de l’ouverture à l’Est pour consulter les archives de l’armée russe et du KGB (sans grand succès, je dois dire). Et pour me metre dans l’ambiance, j’ai visité ou revisité les lieux où se déroule l’action d’Osipov, si possible à la saison appropriée, ce qui n’est guère plaisant dans certains coins d’Afghanistan ou du Caucase. Ainsi, j’ai refait le voyage d’Osipov de Petersbourg à Constantinople par le même itinéraire, mais en 4 voyages différents. Il faut aussi mentioner la presse : les archives de journaux comme le Figaro, le Temps ou le Petit Journal sont d’une lecture passionnante et bien utiles pour qui veut se replacer au début du XXème siècle.
JM : - Quand écrivez-vous (la nuit, le jour) pendant combien d'heures ?
Philippe : Aucune règle, aucune habitude. C’est quand je peux, quand je veux et à condition d’avoir quelque chose à écrire. Ce n’est pas mon style de patienter devant une feuille blanche en attendant l’inspiration : je préfère tondre mes pelouses ou promener mes chiens.
JM : -Avez-vous des séances de dédicaces prévues prochainement et où ?
Philippe : Comme vous le savez, Joëlle, j’ai subi une assez sérieuse operation de chirurgie. Contrairement à ce que pensais, être en convalo, allongé sur son lit est peu propice à l’écriture et à l’organisation de dédicaces ou d’opérations de promotion. Néanmoins, je vais donner une interview à France Bleu le 17 octobre et faire une dédicace chez Cultura Auxerre le 20 octobre. C’est un programme peu contraignant qui va se densifier, je l’espère.
JM : Etes-vous sensible à la critique littéraire et pensez-vous que les blogs, les réseaux sociaux aident les écrivains à promouvoir leurs écrits ?
Philippe : Je suis sensible à la critique constructive, étayée, faite sur un ton aimable et policé. En revanche, je suis totalement indifferent à tout ce qui ressemble de près ou de loin à une polémique. J’ai une profonde aversion, doublée d’un solide mépris, pour ceux que l’on appelle les “snipers” dont le rôle n’est pas de chroniquer objectivement comme vous, vous savez si bien le faire, mais de dénigrer. Bien entendu, si la critique est flatteuse, cela fait toujours un peu mousser votre ego.
Un lecteur de Charlotte m’a reproché que la vie sexuelle de mon heroïne était décrite avec un luxe de details choquant. Ce propos était une critique à laquelle je pouvais répondre facilement car je m’y attendais et m’y étais preparé avec un dossier écrit et tout et tout : chacune des scènes un peu hot de Charlotte a été écrite en employant sans ajout le vocabulaire utilisé dans des articles sur le thème de la sexualité du Point, de l’Express, du Nouvel Obs ou entendus sur Europe 1 à une heure de grande écoute. Cela dit, je suis prêt à admettre que je ne mettrais pas “Charlotte” entre les mains d’une élève de 3ème du Couvent des Oiseaux.
Pour ce qui concrne les blogs, je n’en ai pas et n’ai aucun avis sur leur utilité pour l’auteur. Pour être franc, d’ailleurs, parce que c’est le but du jeu ici, j’aurais peut-être un blog si j’avais la moindre idée de la façon dont cela se créé et fonctionne. Reste que j’ai une croyance, sans doute naïve, qu’à partir du moment où un livre est bon, il trouvera son public.
Mais trouver son public ne fait pas forcément de vous un Musso ou un Levy en termes de tirages. Je note d’ailleurs que ces auteurs dont tout le monde connait le nom, quand ils sortent un nouveau bouquin, bénéficient d’un plan media presse écrite, radio, TV aussi dense que leur éditeur peut le leur payer.
Reste pour moi une certitude : la meilleure publicité pour un auteur, c’est le bouche à oreille enthousiaste. Tout en rêvant de profiter un jour d’une couverture media identique à celle de BHL.
JM : - A qui confiez-vous vos manuscrits en première lecture (membre de votre famille, bêta lecteur) ? Qui réalise les couvertures de vos livres ?
Philippe : Je n’ai pas de premier lecteur systématique. Je fais relire ce qui est technique par un spécialiste, car je déteste laisser passer des erreurs factuelles, mais mes premiers vrais lecteurs sont mon éditrice Anne Selivers et mon ami Alain Anceschi dont l’oeil d’aigle laisse rarement, très rarement, passer une erreur, même infime. Nous avons d’ailleurs des discussions sur des points de grammaire, par exemple, dont la violence relègue loin derrière les combats les plus féroces de l’Illiade. Les couvertures sont réalisées par Rémy Gratier de Saint Louis dont le talent est ébarnouflant, mais certaines d’entre elles ont bénéficié d’une création collaborative : le portrait d’Osipov en couverture d’Osipov 1 a été peint par ma femme Isabelle d’après une vieille photo d’identité (il figure d’ailleurs désormais dans les collections du Musée National du Portrait de Moscou, à voir sur portret.ru), la couverture d’Osipov 2 est une aquarelle originale de mon ami Dany Fourmy d’après une de mes photos personnelles de la forteresse d’Herat. Enfin, les illustrations des deux couvertures de Charlotte ont été peintes par Isabelle et la mise en page réalisée par elle et Rémy.
JM : - Quels sont les auteurs qui vous ont donné l'envie d'écrire ?
Philippe : Xénophon, Arrien, César chez les Anciens. Lucien Bodard, Kessel, Lartéguy pour les Français. Harold Robbins, Wilbur Smith et Peter Hopkirk pour les Anglo-saxons. Mention spéciale pour Winston Churchill, son style inimitable et sa prodigieuse maîtrise de l’anglais. J’étais déjà trop âgé pour que JK Rawling me donne envie d’écrire, mais je lui envie d’avoir mis à la lecture beaucoup de petits Anglais qui, sans elle, n’auraient jamais ouvert un bouquin : rien que pour cela, elle mériterait un Nobel.
JM : Lisez-vous et quel genre de lecture ?
Philippe : Je suis un lecteur frénétique. Presse quotidienne française et étrangère grâce à Abyznewslinks, un oeil sur les hebdos, Peu de romans français, plus de romans anglo-saxons, en VO. Tout ce que je peux trouver sur l’archéologie. Des biographies anciennes ou récentes. Quelques memorialistes. Ce que je peux trouver comme livres d’histoire, mais avec une certaine sélectivité selon les périodes. Ces derniers temps, j’ai fait une plongée documentaire dans la literature d’ados, mais ce que j’ai lu ne m’a pas convaincu. J’ai toujours un bouquin dans ma poche et je me plonge dedans dès que je sais devoir attendre plus d’une minute.
JM : En dehors de l'écriture quelles sont vos passions ?
Philippe : la polémologie et l’archéologie. Et l’histoire en général, bien sûr.
JM : - Je sais que vous avez beaucoup voyagé .. quel pays avez-vous toutefois préféré ?
Philippe : J’ai une tendresse toute particulière pour le nord-Laos, ses paysages uniques et ses populations si accueillantes, le pays champion du monde de la procrastination. Mais aussi pour l’Afghanistan, la Syrie d’avant Hafez el Assad, le Rajahstan, la vieille Russie et plein de merveilleux souvenirs du Liban d’avant la guerre.
JM : - Avez-vous des animaux de compagnie ?
Philippe : Oui. Des compagnons adorables. Sam, un grand Labrador récupéré chez un voisin décédé, Briska une chienne Labrador également récupérée et Krapula von Gouttière, une chatte minuscule qui est entrée dans la maison voici presque 4 ans et n’est jamais repartie. D’ailleurs, nous sommes maintenant ses invités.
JM : - Etes-vous thé ou café ? Vanille ou chocolat ?
Philippe : Café et vanille. Mais pour dire le vrai, mon parfum favori s’appelle “vino tinto reserva, origen Rioja Alta”.
JM : - Avez-vous quelque chose d'autre à ajouter ?
Philippe : Oui. Un mot pour dire mon admiration devant le travail énorme que vous abattez et le mal que vous vous donnez pour le site. J’avoue rester pantois devant vos chroniques dont la qualité devrait être enviée par bien des professionnels.
JM : - Merci Philippe EHLY pour ce très agréable moment passé en votre compagnie.
Les amis, vous avez la parole : vous pouvez si vous le souhaitez poser d'autres questions à Philippe qui vous répondra avec plaisir, en direct ou plus tard, selon ses disponibilités.