INTERVIEW AUTEUR
Philippe THOMAS
Lundi 14 octobre 2019 à 18 h
(différé)
JM : - Bonsoir à tous
⁃ J'ai lu récemment “Ballade Irlandaise” tomes 1 et 2 de notre ami Philippe THOMAS qui a gentiment accepté, de se soumettre à mes questions.
⁃ Je partage donc avec vous cette interview à l'issue de laquelle vous pourrez, si vous le souhaitez, poser vos questions auxquelles Philippe répondra en direct.
JM : - Bonsoir Philippe
⁃ Comment vas-tu ? ? Es-tu prêt à « subir mon petit interrogatoire » ?
Philippe : Merci, Joëlle, pour ce moment passé ensemble que je considère comme l’opportunité de présenter mon parcours, et peut-être de faire comprendre mes errements littéraires ou mes divagations romanesques. Je vais d’autant mieux que j’ai soif de ces échanges dans lesquels on peut communier à une passion partagée.
JM : - Peux-tu, tout d'abord, te présenter afin que nos amis puissent mieux te connaître ?
Philippe : J’ai 68 ans, suis retraité de la fonction publique territoriale où j’ai exercé le métier de directeur financier dans des collectivités situées tant au nord qu’au sud de la France.
J’habite dans les environs de Châtellerault, à deux pas de la Touraine, en particulier du village de Saché qui a reçu souvent la visite de Balzac et qui en avait fait son camp de base littéraire.
Son ombre s’étend-elle jusqu’à moi ? protège-t-elle mes pauvres essais ? Ce n’est pas à moi de le dire.
JM : - Peux-tu nous parler de tes romans ?
Philippe : Après plusieurs essais que je trouvais étriqués, fades, manquant d’ambition (de l’écriture mais pas de vraie literature), j’ai voulu franchir un cap en abordant des oeuvres plus ambitieuses par la taille (Ballade irrlandaise fait mille pages), au dessin et aux couleurs plus vives .
J’ai toujours été sensible au style, à la tournure d’esprit des auteurs classiques et j’ai cherché (prétention sans doute excessive !) à les imiter. Si je ne peux prétendre les égaler, je partage néanmoins les bancs de leur école et, à l’occasion, lorgne sur leur copie.
JM : - As-tu d'autres projets d'écriture et souhaites-tu nous en dire quelques mots ?
Philippe : J’ai écrit dix romans sur la période couvrant la période de la révolution française au milieu du XIX° siècle. Après ma “Ballade irlandaise” je vais publier “Un soupçon d’inquiétude”, roman dans la manière de J. Austen. Suivront ensuite les 3 tomes (1500 pages) du périple d’un corsaire Breton dans l’océan Indien, entre 1800 et 1810, et intitulé “Les rayons de la gloire”.
Je traite actuellement un aspect particulier et furieusement romanesque des Trois glorieuses (la révolution de 1830). C’est l’histoire d’un jeune homme sans relations, sans appuis, que le hasard introduit auprès de Talleyrand et de sa nièce, la duchesse de Dino. En leur compagnie, il va vivre l’été tragique qui verra la fin de la dynastie des Bourbons.
JM : - Où trouves-tu l'inspiration pour créer les protagonistes de tes écrits ?
Philippe : J’emploie trois types de personnages.
Dans la première catégorie se trouvent les personnages historiques, forcément connus et qu’il n’est pas difficile de faire revivre.
Dans la seconde sont mes héros, enfants de mon imagination et de mes lectures. Leurs traits sont pris parfois dans un portrait vu ici ou là ou de photos suggestives.
La troisième catégorie est la plus dangereuse, du moins pour ceux qui y figurent; c’est la catégorie des comparses, des acteurs de second plan, pris parmi des visages connus, d’anciennes relations dont (je le dis à ma honte) je parais tirer vengeance en donnant d’eux un portrait cruel tourné vers la caricature: mais les traits sont vrais et les caractères éprouvés.
Malheur donc à mes anciennes connaissances !
JM : Tu as écrit des romans historiques romancés se déroulant en Angleterre et en Irlande. Pourquoi ce choix ?
Philippe : L’Angleterre et l’Irlande ne concernent que mon premier roman. Effrayé par l’importance du travail d’imagination qu’il fallait fournir, j’ai saisi l’opportunité de la découverte d’une révolte irlandaise méconnue (et donc forcément originale) pour me lancer.
Par ailleurs, j’ai vu l’Irlande pour la première fois, il y a près de quarante-cinq ans avec la sortie du film de Stanley Kubrick, Barry Lindon; j’en ai conservé un souvenir ébloui: le reste appartient à la literature et à la rêverie.
JM : - L'écriture de romans historiques nécessite de nombeuses recherches. Comment as-tu procédé pour ce faire ?
Philippe : Je dois commencer par effectuer une mise au point: le roman historique appartient à l’art, non à la science. Le matériau apporté par l’histoire est necessaire, mais secondaire; il doit s’insérer dans une perspective plus large, celle qui conduit à faire revivre une époque, avec ses drames et sa poésie, et des personnages avec leurs contradictions et leur charme. La connaissance objective, réelle, cède le pas au roman qui, tout en la respectant, se propose néanmoins d’autres buts.
Puis, quand on veut ranimer le passé, on se rend compte que nos connaissances sont souvent fragmentaires, pauvres, limitées: les sujets que je traite, n’ont donc pas besoin d’être beaucoup fouillés pour paraître vrais.
De plus, les sources font parfois défaut, ce qui est le cas dans Ballade irlandaise: l’université elle-même regrette que cette époque doive demeurer dans l’ombre parce que les sources semblent définitivement perdues. Que faire alors? Nous taire et oublier, ou mettre notre imagination en marche ?
Il arrive cependant que je sois obligé de faire des recherches approfondies parce que le cadre ou telle circonstance le nécessite. Dans les corsaires, par exemple, je devais décrire Port-Louis, la capitale de l’Ile de France (île Maurice) au début du XIX° siècle. J’ai eu recours à Gallica, la base de données de la BN, et j’ai découvert un ouvrage écrit à la fin du XIX°, introuvable depuis, qui m’a été un secours précieux.
Au-delà, je suis plus doué pour écrire que pour chercher et me satisfais volontiers d’une vision juste et cohérente (sans être forcément exhaustive) de l’histoire.
JM : Comment procédes-tu pour écrire (carnets, cahiers, fiches, écriture directe sur l'ordinateur) ?
Philippe : Comme je suis soucieux de la précision de mon scenario, je passe un temps important à la redaction du plan, en plusieurs versions successives. Pour mes corsaires (trois volumes, 1500 pages) le plan en a représenté 300. C’est un travail d’horlogerie dans lequel les rouages doivent trouver leur place, et pas une autre, dans un mécanisme d’ensemble.
Après, c’est-à-dire au bout de deux ou trois mois, je passe à l’écriture directement sur l’ordinateur: là, il faut m’imaginer les doigts sur le clavier et les yeux perdus au plafond.
JM : - À quel moment de la journée écris-tu ? Le jour ? La nuit ? Et pendant combien de temps ?
Philippe : L’important est la régularité, les habitudes se perdant facilement. J’écris donc du lundi au samedi, tous les matins, de 9h30 à 13 h.
JM : -As-tu des séances de dédicaces prévues prochainement et où ?
Philippe : 5 de septembre à novembre, de Poitiers à Tours en passant par Chinon et Châtellerault.
JM : Es-tu sensible à la critique littéraire et penses-tu que les blogs, les réseaux sociaux aident les écrivains à promouvoir leurs écrits ?
Philippe : La critique littéraire est précieuse. L’échange de points de vue différents élargit l’horizon. Un lecteur éclairé apporte forcément quelque chose à l’auteur.
Même les désaccords ont leur utilité; ils obligent à fournir les raisons de choix discutés et entrainent toujours des réflexions frutueuses.
Les blogs et FB m’ont permis d’entrer en relation avec des personnes de valeur; j’apprécie leur hauteur de vues et la facilité des échanges.
J’avoue cependant n’avoir pas suffisamment de recul pour juger de leur efficacité promotionnelle. J’ai l’impression parfois d’assister à une concurrence entre auteurs où certains, apparemment, tirent leur épingle du jeu quand d’autres restent à quai.
JM : - Comment as-tu procédé pour faire publier tes ouvrages ?
Philippe : Moment de mélancolie… J’entends tout sur la publication des ouvrages. Le genre auquel j’appartiens ne bénéficie pas d’un accueil empressé et n’a pas la faveur des maisons d’édition: trop ceci ou pas assez cela.
Après avoir joué pendant 5 ans au jeu de l’envoi des manuscrits avec ou sans réponse (cochez la bonne case), j’ai été accepté, par hasard sûrement, par une maison d’édition régionale qui, après avoir publié mes 5 premiers romans, a eu l’idée inattendue de faire faillite: donc retour à zero ou à la case départ.
J’ai pensé tout arrêter (vous pensez, publier à son âge!) puis, je me suis dit que je n’avais pas le droit d’enfermer mes manuscrits dans un placard et je me suis lancé dans l’autoédition (Amazon).
JM : - Quels sont les auteurs qui t' ont donné l'envie d'écrire ?
Philippe : De bonne heure, j’ai admiré les classiques. A quinze ans, je dévorais E. Poe.
J’étais capable de passer des heures devant les vers de Boileau ou l’introduction des caractères de La Bruyère, un modèle de composition française, avec sa logique rigoureuse, cet échafaudage intellectuel raffiné et subtil.
JM : Lis-tu ? Quel genre ?
Philippe : J’ai de la difficulté avec les genres actuels, ou plutôt je me sens mal à l’aise avec les catégories à l’honneur dans la grande distribution. L’art est au-dessus du commerce, même s’il en vit parfois (mal). Ces catégories sont censées représenter les goûts du lecteur actuel, d’où une invitation pressante à s’y conformer.
Ma plume me fait voler ailleurs, là où je trouve à aimer.
J’ai une préférence invincible pour les classiques, dont la culture, l’éducation et les qualités personnelles sont sans égales.
Quand j’ouvre un livre (j’en ai toujours un en cours), j’y passe en général beaucoup de temps, parce que je ne lis pas, je savoure, je sirote, je me délecte de sa substantifique moelle.
Par exemple, qu’est-ce que j’ai d’ouvert aujourd’hui? Le capitaine Fracasse de Théophile Gauthier, au vocabulaire d’une variété incroyable et au fort pouvoir évocateur.
Je rêve plus que je ne lis; j’étudie le style, je décortique les phrases pour me perfectionner moi-même ; je repère des situations et des caractères et essayant de voir comment, sans les copier, je pourrais m’en inspirer.
JM : En dehors de l'écriture quelles sont tes passions ?
Philippe : La musique d’avant 1750.
Pourquoi 1750? Parce que c’est l’année de la mort de Bach et qu’après lui les mentalités changent. C’est l’époque du préromantisme et je ne suis pas romantique. Le romantisme, à mes yeux, est un travers, un déséquilibre. Donc, après 1750, je repousse, j’écarte, je me bouche les oreilles.
Puis, tous les arts, d’une manière générale, notamment la peinture.
J’aurais bien dit le cinéma pour ses meilleures productions… et puis, ma femme, mes enfants et mes petits enfants.
Autre chose ? Ah si: la course automobile! Les vingt-quatre heures du Mans ou la mise en scène de l’accident de la route, la théâtralisation de la mort routière, bref la contradiction interne de l’idéologie sécuritaire.
JM : - À quelle époque aurais-tu aimé vivre ?
Philippe : Je me sens fait pour notre époque, avec ses tares, ses insuffisances et ses imperfections.
Je ne me berce pas d’illusions et les constructions arbitraires qui se font sur un passé idéalisé ne me tentent pas. J’essaie d’être concret; ma place est ici et je m’y tiens.
JM : - Quel est ton proverbe préféré ?
Phlippe : Un proverbe latin, festina lente : hâte-toi lentement. Se hâter marque la diligence necessaire à tout ce que l’on entreprend, et lentement pour la maîtrise et l’équilibre nécessaire à toute chose, en somme l’équilibre humain.
JM : - Quel est ton film culte ?
Philippe : Culte, le mot est fort. J’en citerai deux, puisqu’il n’en est demandé qu’un.
Barry Lindon, pour la qualité des images et de la bande musicale, et la mort aux trousses pour la qualité du scenario (il faut savoir tenir deux heures sans lasser) et la classe de Cary Grant.
JM : - Quel mot te définit le mieux ?
Philippe : Celui de Pierre Dac: “Je suis pour tout ce qui est contre et contre tout ce qui est pour”.
JM : - Si tu étais : une fleur, une couleur, un animal, un dessert … tu serais ?
Philippe : Une fleur: le chardon (Les Illusions perdues), une couleur: le blanc (les Chouans de Balzac et les miens puisque j’ai fait une réécriture de son roman), un animal: le porc-épic (la devise de LouisXII “Qui s’y frotte s’y pique”, cf le chardon), un dessert: la crème anglaise (pour la recette de Goscinny: moitié d’eau chaude, moitié d’eau froide et un peu d’eau tiède quand ça attache).
JM : - Es-tu thé ou café ? Vanille ou chocolat ? Mer ou montagne ?
Philippe : Café, parce qu’il y a trop d’eau dans le thé; vanille par mortification; mer ET montagne forcément, pour pouvoir plonger.
JM : - As-tu quelque chose à ajouter ?
Phlippe : Peu de chose sinon mes compliments pour tout ce que tu accomplis sur ton blog et FB, et ma reconnaissance confuse d’avoir été retenu pour cette interview.
Et comme faisait dire le regretté J. Faizant à un vainqueur du tour de France : “Je ferai mieux la prochaine fois”.
JM : - Merci Philippe THOMAS pour ce très agréable moment passé en ta compagnie.
Les amis, vous avez la parole : vous pouvez si vous le souhaitez poser d'autres questions à Philippe qui vous répondra, en direct ou plus tard si vous n'êtes pas connectés ce soir.
