Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

interview auteur gerard glatt

Bonsoir aujourd'hui lundi 20 août je partage l'interview que j'ai réalisée ce soir sur mon groupe FB : lecteurs-auteurs : la passion des mots

INTERVIEW AUTEUR

Gérard GLATT

lundi 20 août à 18 h

 

Effectué en différé.

 

 

 

JM : - Bonsoir à tous

Je vous ai parlé sur ces pages de Gérard GLATT que je compte depuis plusieurs années parmi mes fidèles amis et dont j'ai lu pratiquement tous les ouvrages. Gérard a gentiment accepté de se soumettre, récemment, à mes questions.

Je partage donc avec vous cette interview à l'issue de laquelle vous pourrez, si vous le souhaitez, poser vos questions à Gérard qui y répondra en différé selon ses disponibilités.

 

JM :

Bonsoir Gérard
Comment allez-vous ? Etes-vous prêt à « passer sur le gril » ?

Gérard :

Bonsoir Joëlle, et bonsoir à toutes et tous.

Si je suis prêt à répondre à vos questions ? Oui, bien sûr. Sinon... Disons que je n’aurais sans doute pas accepté cette interview. Vous en êtes d’accord ? Quant à « passer sur le gril », c’est en revanche une autre question. Nous verrons bien... Pour tout vous dire, je n’imagine pas que vous soyez trop exigeante, ou sévère. Alors, allons-y !

 

 

JM : - Pouvez-vous, tout d'abord, vous présenter afin que nos amis puissent mieux vous connaître ?

Gérard :

Gagné ! J’ai déjà envie de me sauver à toutes jambes. La question à laquelle j’ai horreur de répondre... Se présenter, c’est parler de soi. Et ce n’est pas toujours évident. Certains en raffolent, au contraire, parfois jusqu’au ridicule... Ils ne s’en rendent pas compte. N’est pas Jupiter qui veut ! Enfin, bon... Je vais tout de même faire un effort.

Alors, voilà ! Je suis de l’année 44, du siècle dernier bien entendu. Pour être plus précis, du 2 juillet. Paraît-il qu’il pleuvait des cordes, ce jour-là. Dois-je à cette pluie mon côté parfois chagrin ? Possible. En tout cas, côté pleurs, étant enfant, j’ai su tenir ma place. Il suffisait que l’on me regarde, me rappelait ma mère en souriant, pour que j’éclate en sanglots... Une chose est certaine, la sensibilité du gamin m’est restée jusqu’à aujourd’hui. Et je crois que cela n’est pas sans se ressentir parfois dans mes écrits...

Bon, que souhaitez-vous exactement ? Un CV ? Alors, je reprends à zéro, et voilà ce que ça pourrait donner :

Je suis né à Montgeron, en 1944.

Si mes premiers souvenirs, en même temps que mes premières peurs, sont de l’été 47, sur la côte normande – le bruit de la mer, son va et vient agressif m’effraient –, pour singulier que ce soit, mes joies d’enfant, je les dois à la maladie. Je n’ai alors que sept ans. Une primo infection tuberculeuse, entre autres, me cloue au lit pendant des mois ; je découvre alors la lecture, nous sommes en 1952 ; ma mère m’achète un livre tous les deux jours, mon père, chaque vendredi, m’en rapporte un, plus épais que les autres. Et puis... Et puis il y a ce long séjour à Chamonix, au préventorium des Soldanelles : et là, c’est l’émerveillement.

Pendant mes études secondaires, je suis gâté. J’ai tout d’abord, pour professeur de français/latin, l'écrivain Jean Markale, spécialiste de la littérature celtique ; puis René Khawam, orientaliste renommé ; et, en terminales, première et philo, Roger Vrigny, prix Femina, pour La Nuit de Mougins, puis Grand Prix de l’Académie française, qui me fait rencontrer Jacques Brenner, alors éditeur chez Julliard. L'un et l'autre m’encouragent à poursuivre mes débuts littéraires. Car, bien sûr, je leur ai déjà fait lire quelques-uns de mes textes.

En 1977, Roger Vrigny, devenu directeur littéraire chez Calmann Lévy, publie mon premier roman : « Holçarté ». En 1981, chez Hachette, sortent les « Contes du Pays Basque », un ouvrage destiné aux adolescents et, en 1994, au Livre de Poche Jeunesse, « 3 contes du Pays Basque ».

Entre temps, je suis entré dans l'administration des finances, après de bien pénibles études de droit. Très vite, j’ai repris ma liberté pour prendre la direction d'un cabinet de conseils en commerce extérieur. Douze ans plus tard, en 1983, j’ai intégré mon activité à celle d’un cabinet de plus ample envergure. En 2000, changement de cap : le développement de l'Internet me conduit à créer une start-up spécialisée en marketing direct. Au mois d’août de cette même année, mon associé et moi avons lancé le premier site français d’e-mails rémunérés. Pour finir, en 2011, j’ai pris ma retraite et... Eh non, contrairement à ce que l’on peut penser, ce n’est pas à ce moment que le virus de l’écriture s’est réveillé... Car depuis mon premier roman jusqu’à ce mois d’août 2011, je n’avais cessé d’écrire, bouquin sur bouquin, poème sur poème, voire même quelques pièces de théâtre... Tout cela non publié, ni même présenté à des éditeurs, et surtout pas autoédité !

Aujourd'hui, en 2018, comme vous le savez, chère Joëlle, je partage mon temps entre l'Ile de France et la Bretagne, bien que mon cœur soit toujours resté là-bas, dans cette vallée, ce temple au pied du Mont-Blanc, qui, voici plus de soixante-cinq ans, m’a rendu la joie de vivre. Nostalgie d’un paradis perdu ? Oui, sans doute. Je ne me consacre plus qu'à l'écriture. Ecrire, ce besoin que j’assume depuis toujours, avec autant de bonheur.

 

JM : - Pouvez-vous nous parler de vos romans et en particulier des deux derniers

Et le ciel se refuser à pleurer ” et “ Le destin de Louise ” ?

Gérard :

Encore une question piège ! Non, je plaisante...

Du « Destin de Louise », en premier lieu. Parce qu’il s’agit d’une réédition par les Presses de la Cité, dans la belle collection des Trésors de France, d’un roman publié en 2013 chez De Borée.

Le lieu de l’action : l’Auvergne. Et pourquoi l’Auvergne, et plus précisément le Puy de Dôme ? tout bonnement parce que mon épouse est née à Clermont-Ferrand et qu’elle y a toujours sa famille... Nous n’avons pas l’occasion d’y aller très souvent. Cependant, ce que j’en connais, la chaine des Puys – qui vient d’être classée par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité – à l’ouest, et le Livradois-Forez à l’est, deux coulées montagneuses, chargées d’histoire, qui s’amollissent vers le sud, auquel j’ajoute ce que mon épouse m’a donné à connaître, à travers ses yeux, de l’âme de cette région et de ses habitants, me permettent, du moins je l’espère, de donner de la crédibilité aux personnes qui s’invitent, comme chez elles, dans mon imagination, au point de prendre corps et caractère, quand bien même parfois, comme nous dans la vie, je les surprends en contradiction avec elles-mêmes.

Le Destin de Louise ? L’histoire d’une femme, Louise Charlannes, qui perd son mari, Gustave, dans l’incendie de la scierie familiale, située sans doute du côté de Vollore-Ville, non loin de Courpière. Gustave qui meurt, tandis qu’il est allé chercher une gamine, prisonnière des flammes. Tous les deux, on les retrouve, deux corps calcinés, inséparables à jamais. Dans le même temps, sous les décombres effondrés, un troisième cadavre est découvert dont on ignore l’identité... Une enquête est ouverte, qui semble ne pas devoir aboutir. C’est le commissaire Gagne qui la mène... Le destin de Louise est-il de s’interroger sur la présence de ce cadavre non identifié ? Non, le temps passant, une seule chose l’anime. Un seul objectif l’obsède. Un projet fou : remettre à flot l’entreprise. Pour tous les ouvriers qu’elle connait si bien. Et pour ses enfants. Pour ça, elle comptera sur le contremaître de la scierie et sur François Chang, gardien de parcs, avec qui elle entretient une singulière et inestimable amitié... Six années passeront lorsque le commissaire Gagne relancera l’enquête sur l’incendie et les relations pleines d’ombres qu’entretenait peut-être Gustave...

Je ne veux pas en dire davantage... Pourtant, j’ajoute que « Le Destin de Louise » a aussi été pour moi l’occasion de retourner en Haute-Savoie, non pas à Chamonix, ni même dans la vallée de l’Arve, mais à Annecy où le jeune fils de Louise, Antoine, pour qui j’ai une affection particulière – un cœur sensible, je crois – passe quelques semaines, quelques mois.

Après «  Le Destin de Louise », il y a eu «  La chouette idée d’Alexandre Pluche », toujours chez De Borée, plus léger où je mettais en scène deux enfants de sept et neuf ans, Mathieu et Léonie, en vacances en Bretagne avec leurs parents. Et pour la première fois, en camping-car !

Ensuite, sont sortis aux Presses de la Cité : « Retour à Belle Etoile », en 2016, qui a reçu le prix du « SalonduLivre.net » 2017, puis « Les Sœurs Ferrandon », en 2017. L’un et l’autre, en suite indépendante, se déroulent en Auvergne, à Olliergues (devenu Valliergue), dans la vallée de la Dore. Deux ouvrages auxquels je suis fort attachés.

J’en arrive à « Et le ciel se refuse à pleurer... », sorti au début de cette année, en même temps que la réédition du « Destin de Louise ». Le début d’un long pèlerinage... Une sorte de tragédie grecque qui se déroulerait sous le regard impassible du mont Blanc... Vous me demandez de vous en parler ? J’ai presque envie de vous envoyer sur votre blog, « leslecturesdecerise74 », ou sur d’autres encore qui en ont également bien parlé... Pourquoi je parle ici de pèlerinage ? Parce que ce séjour, enfant, que j’ai passé à Chamonix me remplit encore aujourd’hui, et peut-être un peu plus chaque jour, d’une nostalgie dont je ne puis me départir.

De quoi s’agit-il ? Le 17 août 2016, au-dessus de Saint-Martin d'Arve, en Haute Savoie, Joseph Tronchet, monté dans les alpages où paissent ses vaches, retrouve Germaine, sa femme, morte, écrasée sous un sapin, surprise, peut-on supposer, par sa chute soudaine. Ce n'est pas sans mal qu'il parvient à la ramener à la ferme. Il appelle Echenoz, le médecin de famille. Curieusement, l'examen auquel celui-ci procède est aussi rapide que succinct. Très vite, il conclut à un accident. En montagne, ce n'est pas chose rare. Il remplit le permis d'inhumer. Dans le même temps, on ne sait trop ce que ressent Tronchet, peine ou soulagement, ni ce qu'éprouve Echenoz comme médecin et ami. C'est que Germaine était une femme tyrannique. Jeune fille, elle courait après les hommes, aguicheuse, assoiffée de sexe. Tout ce qui passait à sa portée était à essayer, puis à jeter. A sa décharge, ne manquant pas de beauté, elle ne laissait pas insensible la gent masculine...

Trente-quatre ans plus tôt, en 1982, elle s'était soudain éprise de Tronchet, qui la guignait déjà depuis longtemps, mais sans trop oser. Amoureux transi, il serait resté sur la touche, sans rien dire, car son bonheur à elle lui importait plus que le sien. A cette époque, ils se retrouvent chaque soir ou presque. Prennent les précautions qui s'imposent... L'amour, oui, mais pas d'enfant ! Lui a vingt-quatre ans, elle deux années de moins. Et puis, malgré tout, ce qui doit arriver arrive. Germaine est furieuse après Tronchet : elle est enceinte. Pour Tronchet, au contraire, c'est la félicité. Ils se marient. Mais Germaine, fille de commerçants, n'est pas faite pour la vie de la ferme. Ce qu'elle voulait, c'était devenir femme de patron. Toute sa vie, elle reprochera à Tronchet sa condition. L’enfant naît bientôt. Antoine. Un gamin qui ne lui ressemble pas. Qui ne ressemble pas plus à Tronchet. Il a la peau mate, le poil brun. Elle, cet enfant, elle l'abhorre et lui préfère Edmé, le fils de voisins, qui leur est confié chaque jour, tandis que ses parents travaillent à la fromagerie familiale, sise à dix kilomètres de là, entre Sallanches et Saint Gervais. Edmé et Antoine sont comme deux frères. Mais Germaine n’a de cesse de marquer leur différence. Les sentiments forts qu'elle éprouve pour Edmé. A tel point que... Oui, Germaine exècre Antoine. Il en est ainsi depuis que, deux semaines après sa naissance, une personne qui travaillait à l'hôpital de Sallanches, où elle a accouché, lui a confié une chaîne au bout de laquelle pendait un médaillon, l’exhortant de toujours le porter sur elle...

En ai-je dit assez ? ou trop ? Germaine, et ces trois hommes, Joseph Tronchet, son fils Antoine, et Edmé... Trois hommes qui se découvrent, non comme on ôte son chapeau pour saluer un cadavre, mais trois hommes qui s’apprennent, face à leur destin...

 

 

 

JM : - Avez-vous d'autres projets d'écriture et pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Gérard :

Si tout va bien, mon prochain roman sortira en janvier 2019. Il est déjà entre les mains de mon éditeur. Et une fois encore il se déroulera en Haute-Savoie. Disons dans la vallée de l’Arve, entre Chamonix et Magland, avec le mont Blanc du Tacul comme point culminant. C’est certainement le livre qui m’a demandé le plus d’investissement émotionnel. Un véritable roman, mais dont la première partie relève davantage du récit... Je ne veux pas vous en dire plus... Laissez-moi me réserver pour plus tard... Joëlle, vous voulez bien ?

Ah, si vous aviez quelque inquiétude, je vous rassure tout de suite : celui que j’écris actuellement – pour 2020, pourquoi pas ? –, c’est aussi là-bas qu’il se déroulera. Et vous y retrouverez – si je parviens à mettre le point final, et pour ça il me reste encore pas mal de chemin à parcourir –, vous y retrouverez le commissaire Gagne que vous avez découvert dans « Le Destin de Louise ». Vous souvenez vous ? Un homme dont j’apprécie la démarche.

 

JM : - Avez-vous des séances de dédicaces prévues prochainement  et où ?

Gérard :

Je ne sors pas trop. Je ne suis guère à l’aise. Ne vais pas de l’avant pour parler de mes écrits. C’est certainement un tort, mais je suis ainsi. Dans les salons, les gens passent, ne répondent pas à un bonjour. Ou s’ils s’arrêtent, tentent de vous faire raconter votre vie pendant une dizaine de minutes, pourquoi ? pour rien. Cela dit, si l’on me demande, je ne refuse pas. Au jour d’aujourd’hui, deux salons sont prévus, je crois, l’un dans le Puy de Dôme, à Royat, début octobre, un autre à Creil, au nord de Paris, fin novembre. Et puis quelques dédicaces dans des librairies... à venir.

 

JM : - Etes-vous sensible à la critique littéraire et pensez-vous que les blogs, les réseaux sociaux aident les auteurs à promouvoir leurs écrits ?

Gérard :

Sensible à la critique, oui, beaucoup trop, alors qu’elle ne le mérite pas, tant de sottises sont écrites par certains, parfois dans le seul but de se faire remarquer ou de faire du mal. Avant de critiquer, il faut apprendre à lire. Il faut savoir écouter cette voix intérieure, silencieuse qui prononce les mots, les chante à votre place. Ce n’est pas seulement mâchouiller de la mie de pain et déclarer, après l’avoir avalée : « Ce pain n’est pas bon ! » Car c’est oublier le goût plus ou moins agréable que votre propre salive lui a donné...

Auparavant, des réseaux dits sociaux – où on lâche plus souvent les chiens qu’on ne fait du bien, pardonnez-moi – on se passait fort bien. Et ma foi, auteurs et lecteurs ne s’en portaient pas plus mal. Un critique de films, attaché à Télérama, ancien camarade de lycée, me dit un jour : « Finalement, nous sommes des imposteurs... Nous jugeons des œuvres que nous ne serions pas capables de réaliser nous-mêmes... » Un critique, oui, dont c’est pourtant le métier depuis des décennies. Dépourvu de cette vanité qui caractérise bon nombre d’amateurs... J’en connais, notamment sur Amazon, puisque Amazon il y a, qui jugent indifféremment de l’arôme du café moulu à la stabilité d’une table à repasser, de la qualité du rasoir électrique à la fiabilité du stylo Bic, du lubrifiant pour chaîne de vélo à l'anti-moustique, du dernier roman paru aux casseroles inox, du livre, oui, parfaitement, aux couches culottes Pampers... J'en passe et des meilleurs... Ce que je vous écris là, n'est pas en l'air, hélas ! Voilà à quoi conduisent très exactement les réseaux sociaux... Il ne faut surtout pas imaginer que les pages Facebook comme les vôtres drainent des milliers de personnes, compétentes ou plus ou moins compétentes, mais au moins lecteurs et (surtout) lectrices. Ces lecteurs et lectrices, ce sont ceux et celles que vous retrouvez abonnés à tous les sites du genre, intéressés par le fait littéraire. Un bien petit nombre finalement, même s’ils sont un ou deux milliers peut-être, par rapport aux nuisibles qui polluent l'ensemble du Net...

Alors, oui, je suis sensible à la critique. Comme à la remarque stupide, parce que spontanée, qui s’y ajoute parfois en guise de commentaire et qui me touche davantage encore. Sans rapport aucun avec l’ouvrage en question. Du style : « Ho, la, la, c’est trop triste. Moi, je lirai pas ça ! ». Et vlan ! Pouvez-vous me dire, chère Joëlle, chers lecteurs et lectrices, ce que vous avez à faire d’une telle observation ? Il n’en est pas moins que son impact négatif restera dans l’esprit de celui qui en aura eu connaissance. Et le détournera de l’ouvrage en question. Comme me disait encore un blogueur, il y a quelques années : « Vous savez, nous pouvons faire beaucoup de mal... » J’avais envie de lui répondre qu’il ne tenait qu’à lui. En se taisant tout simplement. Je veux dire en réfléchissant rien qu’un peu avant de taper sur son clavier et de cliquer sur Envoi. Seulement, non, l’être humain est ainsi : le mal est en lui, plus fort que tout, bien souvent encouragé en cela par la Société elle-même.

Je crois avoir répondu à votre question en toute franchise.

 

 

 

JM : - Comment préparez-vous vos livres (carnets, cahiers, écriture directe sur l'ordinateur) ?

Gérard :

Ni carnets, ni cahiers. Un roman, une fiction, c’est d’abord un déclic. Il suffit parfois d’un lieu pour que naisse un personnage. D’un souvenir qui ressurgit brusquement, ou plutôt brutalement, pour qu’une vie m’apparaisse soudain évidente. Evidente à écrire, je veux dire. L’imagination, c’est l’énigmatique par excellence. Pourquoi ma Germaine, celle de « Et le ciel se refuse à pleurer.. » est-elle arrivée au monde ? Pourquoi la gamine qu’elle était, belle, intéressante à tout point vue, aguicheuse certes, et dont les hommes, bien que se méfiant de ses capacités, profitaient sans nul doute, a-t-elle épousé Tronchet ? Pour le rendre malheureux ? Non, certainement pas. Alors pourquoi ? Tout simplement, je pense, parce qu’elle devait conduire sa vie, et l’existence de son entourage, comme cela s’est fait, tout naturellement, comme cela devait être dès l’instant où j’ai pensé à elle, à Tronchet, à son fils Antoine, à Edmé, à toutes ces personnes qui gravitent autour d’elle, autour d’eux... Je parle bien de personnes, non de personnages. Parce que, lorsque j’écris, c’est à des personnes que j’ai affaire, à des êtres de chair, à des êtres qui respirent, qui ont un cœur, qui m’aiment ou ne m’aiment pas, que j’aime ou que je n’aime pas, mais que je tente toujours de comprendre... Je crois que si je devais tout prévoir, du début à la fin d’un roman, je ne pourrais rien écrire qui soit vrai.

Non, ni carnets, ni cahiers. Sauf, hier, il y a longtemps, où sans clavier d’aucune sorte, j’étais bien obligé d’écrire sur un cahier. Mais pas davantage qu’aujourd’hui il n’y avait de notes préalables. Ce qui ne m’empêchait pas, naturellement, de faire, défaire et refaire sans cesse.

 

JM : - Ecrire est-ce pour vous une passion ou un métier ?

Gérard :

Ni une passion, ni un métier. Un besoin. Les passions sont faites pour mourir. Elles se diluent d’elles-mêmes dans l’air du temps. C’est la passion amoureuse. Qui se raisonne peu à peu. Perdure, se transforme et s’installe en amour véritable. Ou disparaît bêtement, aussi vite qu’elle a surgi. Un métier non plus. Cette idée me fait penser à certains écrivains qui se lèvent tôt le matin, écrivent pendant quatre heures, puis font autre chose le restant de leur journée. Un peu comme s’ils devaient pointer chaque jour et justifier d’un temps de présence, passé derrière leur table à travailler ou bien à papoter dans les couloirs de la société qui les emploie. Je vous l’avoue la passion qui brûle de l’intérieur et qu’un broc d’eau éteint, je la trouve aussi désolante que les quatre ou cinq heures d’écriture à heures fixes. Comme sont désolants à entendre ces écrivains qui vous disent, une fois leur roman publié qu’ils ont terriblement souffert en l’écrivant... Ou bien ils sont maso, auquel cas ça nous indiffère de le savoir. Ou bien... ils n’ont qu’à faire autre chose qui leur permettra de moins souffrir... Non, ce qui m’anime depuis que je suis au monde ou presque c’est ce besoin qui est en moi d’écrire. Il y a là quelque chose de vital, comme les battements du cœur ou la respiration. Mon professeur, Roger Vrigny, avait publié un livre, publié chez Grasset, qui s’intitulait : « Le besoin d’écrire ». Il expliquait fort bien ce besoin vital, naturel en quelque sorte chez certains. Inexplicable en soi. Mais bel et bien là. Je ne sais s’il faut davantage parler de vocation. Conduire sa vie en écriture comme on peut la conduire en prière.

 

JM : - Quels sont les auteurs qui vous ont donné l'envie d'écrire ?

Gérard:

Aucun. Ou tous. Alors, je dirai tous. Et dans la mesure où le besoin d’écrire est sans doute né avec moi, je dirai plutôt que mes lectures ont permis à ce besoin de se développer, de prendre forme, de mûrir, de se concrétiser, que sais-je encore. J’ai écrit mon premier poème à l’âge de sept ans. Il était pour ma mère. Elle l’avait conservé, il est chez moi, quelque part. Vous imaginez bien que je n’avais pas encore lu Victor Hugo. Plus tard, je ne l’ai pas lu davantage, d’ailleurs. En revanche, lorsque j’étais malade, tout gamin, j’en ai déjà un peu parlé, les livres, je les dévorais littéralement. « Le dernier des Mohicans », « Robin des bois », « L’Ile au Trésor », « Robinson Crusoé », «  Croc Blanc », etc... Est-ce que je comprenais tout ? A huit, neuf ans, pas si sûr. Mais je lisais, lisais... En cinquième ou quatrième, je ne sais plus, j’ai acheté en cachette le prix Goncourt. Il avait été décerné à Vintila Horia pour son livre « Dieu est né en exil ». Ovide et sa vie. Une vie inventée, en fait. Je faisais du latin, ça tombait bien. Voilà. J’ai lu, beaucoup lu, je continue...

 

JM : - Aimez-vous lire ? Si oui quel genre ?

Gérard :

J’ai presque déjà répondu à cette question. Oui, j’aime lire. Et mon regret est de ne pas pouvoir lire davantage. Quel genre ? Tous, il me semble, ont quelque chose à me dire. Parmi les classiques, ou du moins que je considère ainsi, je lis ou relis Proust, même si je n’y retrouve pas toujours ma Madeleine, je me délecte en relisant Roger Martin du Gard, « Les Thibault » sont pour moi un régal, Zola que j’admire et, naturellement, les romans de Maupassant. Parmi les modernes, Armistead Maupin et John Fante, l’écriture au plus haut niveau, ils sont américains, je n’y peux rien. Le germanopratisme ambiant m’éloigne naturellement de notre prétendue littérature, ce qui ne signifie pas qu’il n’y ait pas de bons écrivains, au contraire, tels que JMG Le Clézio, incontournable, Laurent Gaudé, presque toujours, ou, parfois, Jean-Christophe Rufin. Presque tous les livres des Editions de Minuit. De Becket à Simon, de Chevillard à Ravet. Actuellement, le thriller est pour moi essentiel. Je pense à Michel Bussi, à Sandrine Colette ou à Paula Hawkins. Les livres que l’on écrit uniquement pour plaire – Lévy, Musso, Foenkinos – n’ont aucun intérêt, hormis pour les mauvais libraires d’en garnir leur vitrine, comme si l’un et l’autre en avaient besoin... Bref, je lis ce qui me plaît, ce qui me tente, et des livres qui me tentent, il y en a beaucoup... Je dispose de cinq minutes ? Un recueil de poésie à découvrir, assis dans un parc, à l’ombre... Il ne m’en faut pas davantage pour être heureux.

 

JM : - Quel est votre endroit favori et votre animal préféré ?

Gérard :

Ai-je un endroit favori ? Je ne sais pas. J’aime les endroits où je me sens à l’aise pour écrire. Une table, un bureau, et tout près de moi, une fenêtre donnant sur une rue ou sur un parc. Il me faut un peu de vie, des gens de tous âges qui passent ou s’arrêtent pour bavarder un moment, des enfants... Je n’ai pas besoin de les entendre. Il suffit que je puisse les voir aller et venir... Et plus près de moi encore, devinez ? Des livres, tout simplement.

Quant à mon animal préféré, c’est le chat... Le chat, depuis toujours... J’en ai connu plusieurs, ma grand-mère paternelle avait des chiens. Des chats également, mais jamais plus d’un. De superbes bergers, côté chiens. Mon affection pour les chats reste sans bornes. La déesse égyptienne Bastet n’est d’ailleurs jamais très loin de moi... Protectrice des femmes et des enfants, déesse aussi de la maternité... N’est-ce pas accoucher que d’écrire un livre ? J’en ai eu un, Domino, noir et blanc bien entendu, il n’appartenait qu’à moi et je n’appartenais qu’à lui. J’étais alors étudiant, dans la soirée, il s’en allait vagabonder dans le parc qui entourait notre maison, en banlieue parisienne. Ma chambre était au deuxième étage. Lorsque l’heure était venue de me coucher, je descendais, j’ouvrais une fenêtre et l’appelais. Du plus loin qu’il était, je l’entendais me répondre. Il courait, sautait vite sur le rebord de la fenêtre et s’assurait un instant que c’était bien moi, dès fois qu’il ait fait erreur sur la personne, puis il galopait jusqu’au second où je le retrouvais bientôt, lui tout fier d’être arrivé là-haut avant moi et de m’attendre... Il a veillé sur moi durant de belles années.

 

JM : - Etes-vous thé, café ou chocolat ?

Gérard :

Thé vert, par la force des choses. Le café ne m’est plus guère recommandé. Le chocolat non plus. Sinon, café, sans nul doute ! Et ristretto ! Court, très court. Un premier, toujours suivi d’un deuxième. Le deuxième pour déguster, savourer, profiter du moment.

 

JM : - Avez-vous quelque chose d'autre à ajouter ?

Gérard :

N’ai-je pas tout dit ? Peut-être même me suis-je laissé aller à en dire trop, non ?

 

JM : - Merci Gérard GLATT pour cet agréable moment passé en votre compagnie.

 

Les amis, vous avez la parole : vous pouvez si vous le souhaitez poser d'autres questions à Gérard.

 

Voir les commentaires